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DeLaurentis | Compte à rebours vers un anachronisme dénué de fin

Delaurentis

Sa sœur Julie et elle sont nées sous l’étoile de la musique des cœurs. Celle aussi d’une authenticité textuelle chantée par le grand Monsieur de la ville rose, à la France entière et pour tout le monde. Auprès de lui, les blanches et les noires de leur propre père. Cécile Delaurenti se dévoile aujourd’hui pour Skriber à travers son parcours, son projet musical DeLaurentis et les émotions viscérales exprimées sur son dernier EP Brand New Soul. Une belle entrée en matière pour cette nouvelle année placée sous le signe d’un changement concret et d’une réalisation complète, que ceux ayant toujours su rester les acteurs de leur propre vie appellent de leurs vœux.

Bonjour Cécile, et merci d’avoir accepté cette interview. Un vent d’autan souffle sur les braises de la scène électro-pop française depuis la sortie en juin 2015 du premier EP du projet musical DeLaurentis initié avec ta sœur Julie. DeLaurentis, c’est d’abord un hommage à l’amour de ton grand-père pour le cinéma et la Méditerranée des années 60. C’est aussi l’arbre cachant la forêt de ton père, musicien de jazz et pianiste-arrangeur de Claude Nougaro. Nougaro, figure de la scène toulousaine et française, qui chantait sa fille de son vivant. Une autre Cécile justement, une enfant qu’il ne voulait pourtant pas. Comment gères-tu la symbolique attachée à ton prénom et à ta famille ?

Cécile Delaurenti : Au départ, mon papa a choisi mon prénom car Sainte Cécile est en fait la patronne des musiciens. C’est aussi pour cette raison-là que Claude Nougaro avait appelé sa propre fille Cécile. C’est donc un prénom très lié à la musique dont le choix est également motivé par la chanson devenue culte interprétée par Nougaro. Mon père me la jouait très souvent lorsque j’étais petite, il me la chantait aussi. J’ai grandi avec l’émotion et le message fort qu’il y a dans cette chanson. Elle m’a guidée dans ma propre voie jusqu’à la musique.

As-tu gardé en mémoire des moments particuliers que Nougaro et ton père vécurent ensemble, par exemple, lors d’enregistrements ou au moment de la préparation d’un concert ?

Cécile Delaurenti : J’ai le souvenir de Claude Nougaro qui venait à la maison. C’était assez incroyable pour nous. Ma mère, ma sœur et moi étions déjà très fans à l’époque. Nous avions tous ses vinyles, nous connaissions toutes ses chansons. Nous allions bien sûr à tous ses concerts. Quelques années après, nous avons eu la chance Julie et moi de partager la scène avec Nougaro ainsi qu’avec d’autres artistes de la région. Nous étions ados, c’était juste grandiose pour nous qu’il nous ait invitées !

C’était lors d’un festival organisé en hommage à la chanson française des années 20. Il avait eu lieu à Paziols dans les Corbières, là où il habitait. C’est d’ailleurs là-bas qu’il avait écrit et composé son album L’Enfant phare. Nous nous étions tous retrouvés sur scène avec lui avec nos tenues d’époque. Julie et moi étions passées juste après lui : il avait chanté Ma Poule et L’accordéoniste en se les réappropriant complètement et en nous faisant oublier les versions originales.

Claude Nougaro

Tu suis des études au Conservatoire de Perpignan, puis en musicologie jazz à l’université du Mirail à Toulouse. Avant de rejoindre la capitale il y a un peu plus de cinq ans. Quel était ton quotidien durant les premiers mois qui ont suivi ton arrivée à Paris ?

Cécile Delaurenti : Je ne connaissais personne lorsque je suis arrivée à Paris, à part ma sœur qui y habitait depuis quelques temps déjà. J’ai emménagé dans son petit appartement. Puis j’ai commencé à contacter des gens du monde la musique que des amis toulousains m’avaient recommandés. Cela m’a pris plusieurs semaines. Ce qui a été très étonnant, c’est que toutes les personnes à qui je téléphonai ont répondu d’une manière ou d’une autre pour que l’on se rencontre, ne serait-ce que pour aller boire un café. J’ai été très touchée par cet accueil et cette solidarité, qui allaient à contresens du « chacun pour soi » des Parisiens que l’on m’avait décrit à Toulouse. Arriver puis s’installer sur Paris implique des galères que beaucoup de gens à Paris ont aussi vécues. Finalement, certaines rencontres ont même débouché sur des collaborations.

Quelle a été la toute première rencontre déterminante pour la poursuite de ton parcours musical que tu y as faite ?

Cécile Delaurenti : Dans ma liste, il y avait un certain Rémi Boubal. Il compose des musiques pour des films, des séries. Nous avons très vite aimé mélanger nos univers puis composer ensemble. Certaines de nos chansons ont été utilisées pour des pièces de théâtre, des courts-métrages. Ce fut l’une de mes premières belles rencontres sur Paris.

Trois mois avant la sortie du premier EP éponyme de DeLaurentis, tu rencontres Marc Collin, le co-fondateur de Nouvelle Vague. Il te choisit pour la cover du titre de Neneh Cherry, Woman. Tu l’interprètes dans le cadre de son nouveau projet musical Bristol. Peux-tu nous dire comment tu as ressenti les lieux et l’époque auxquels les sonorités utilisées dans ce morceau renvoient ?

Cécile Delaurenti : Marc est un homme de talent avec lequel j’adore travailler. J’ai grandi avec la musique trip-hop, il était évident pour moi de participer au projet Bristol. Elle est mon premier contact avec les samples de l’électro. Massive Attack, Portishead, Neneh Cherry sont des artistes et des groupes qui m’ont élevée. Je les ai beaucoup écoutés. C’est une vraie chance pour moi d’avoir pu apporter ma touche à cet hommage. En plus, j’ai trouvé les nouveaux arrangements évoquant les années 60 très intéressants. C’est dans la continuité de ce qu’a fait Marc Collin pour Nouvelle Vague, en reprenant des titres new wave en bossa nova. Sa manière de revisiter les grands classiques et les sons est vraiment très originale.

Comment imagines-tu la femme que tu aurais pu être durant les années 60 ?

Cécile Delaurenti : Spontanément, je pense à Françoise Hardy. Certaines personnes ont d’ailleurs déjà pu trouver certaines ressemblances entre sa voix et la mienne.

cécile delaurenti

En avril dernier, tu sors avec ta sœur Julie le second EP du projet Delaurentis. Intitulé Brand New Soul, l’EP est une réussite tant sur le plan des textes que sur celui des compositions, initiant un monde dans lequel se mélangent plumes légères et caresses électro. La première plage, 10000 things, est tout simplement la première reprise chantée du thème culte Tubular Bells, validée par Mike Oldfield en personne. Que t’inspirent l’œuvre de l’artiste, ainsi que son vécu hors-norme dans les coulisses de la petite entreprise créée par Richard Branson et qui devint le groupe Virgin, l’une des plus grosses sociétés internationales dédiées à la musique et à sa promotion ?

Cécile Delaurenti : C’est un miracle. Mike Oldfield n’avait que 17 ans quand il a composé cette œuvre incroyable ! Cela relève de la magie. Son talent a fait de lui l’un des premiers artistes signés chez Virgin. Sans parler de la reprise de Tubular Bells comme thème principal pour le film l’Exorciste quelques mois plus tard, et l’explosion de sa notoriété internationale pour la fin des temps. Mike Oldfield est un artiste qui n’a cessé de créer et de repenser sa musique, encore aujourd’hui. C’est dans ce sens que j’ai souhaité me réapproprier son morceau culte. En retravaillant les sonorités, en distinguant celles qui pouvaient se rapprocher.

Petit à petit, une mélodie m’est venue pour laquelle je me suis mise en quête d’une cohérence pour répondre à l’exigence du format de la chanson. Ce n’est pas évident lorsque le morceau original dure vingt minutes ! Puis est venue la question des droits. Mon éditeur s’est chargé du dossier. La réponse a été plus rapide que prévue. Nous avons même pu obtenir des parts d’adaptation, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Cela signifie surtout que Mike Oldfield a apprécié mon adaptation. Pour moi, ce fut Noël avant l’heure ! Que le maître absolu valide ainsi mon morceau : j’étais très fière !

« Les chansons existent pour être chantées »

As a wink est un autre de tes nouveaux morceaux m’ayant beaucoup plus. Il m’a étrangement rappelé Homme sweet homme, l’un des titres majeurs du répertoire de Zazie. On sent dans ton univers une réelle empreinte de la musique française bien que tu préfères l’anglais pour l’écriture de la tienne. « L’anglais est la langue de toutes mes références musicales et elle me permet de jouer avec les sonorités et autres effets que j’utilise », expliques-tu dans l’une de tes précédentes interviews. Au-delà de l’époque et des aspects générationnels qui vous séparent, que pourrait selon toi répondre un Claude Nougaro à ta déclaration ?

Cécile Delaurenti : Hum… Claude Nougaro m’a connue lorsque j’étais plus jeune. Et à l’époque, j’aimais surtout chanter des chansons de son répertoire. Il avait donc toujours des conseils à donner. Il adorait évidemment tous les standards de jazz, de bossa. Il adorait se les approprier et mettre des textes en français dessus. J’adorais cette musique-là aussi. Je pense qu’il m’aurait dit de chanter en français parce que je suis Française. Mais je ne sais pas…

On sent que ça te tracasse quand même. Et notamment dans ce titre As a wink, au-delà de l’aspect rythmique. Le fantôme de Zazie ne cesse d’y planer…

Cécile Delaurenti : C’est incroyable que tu me dises ça, car Zazie est l’une de mes premières références musicales françaises. J’adore son univers, je connais toutes ses chansons, tous ses albums. Et je sens que j’appartiens à cette famille d’artistes en France. Je ne chante pas en français, mais effectivement, le monde de Zazie me touche beaucoup. Ça me fait super plaisir que tu compares l’une de mes chansons avec l’une des siennes. Ensuite, comme le trip-hop, je me suis nourrie de ses musiques qui ont laissé leurs traces dans mon inconscient artistique. C’est sans doute aussi pour cela que l’on retrouve aujourd’hui leurs échos dans mes compositions.

Delaurentis Julie Cécile

Tu fais partie de ces musiciens jouant sur la force d’évocation du cinéma pour l’intégrer à la trame de ton histoire. C’est le cas une fois de plus dans le titre EP Brand New Soul, pour lequel tu as collaboré avec le réalisateur Laurenzo Massoni pour le tournage du clip. Le morceau, s’adressant au départ à ta filleule de huit ans, prend ainsi une tournure minimaliste saccadée dans laquelle se mêle aux quelques touches de ton clavier la danse de Davina Villeneuve. Quelle est la réelle portée de ce compte à rebours initié par la rythmique de la chanson ?

Cécile Delaurenti : Du point du vue de la création musicale, il s’agissait pour moi d’évoquer un battement de cœur. C’est ainsi en tous les cas que j’ai pensé la rythmique. Comme celui d’un bébé qui fait ses premiers pas. C’est la naissance, c’est le début de la vie. Une respiration. C’est fragile, ça arrive doucement. Puis ça se renforce, et ça s’enrichit d’autres éléments rythmiques. Cela ne fait qu’évoluer, qu’avancer, que grandir. Et même si la chanson s’arrête, elle aurait finalement pu continuer car il n’y a pas de fin. En revanche, le clip va en effet dans le sens que tu as relevé. Nous l’avons pensé ainsi, notamment dans la chorégraphie. Il s’agit plus d’une boucle en fait, d’un début et de sa fin.

Merci Cécile pour cet échange. Si je devais te souhaiter une seule chose pour 2017 en empruntant les mots d’une chanson de Claude Nougaro, quelle serait-elle ?

Cécile Delaurenti : Ce ne serait pas l’une de ses chansons, plutôt l’une de ses phrases qui, si je me souviens bien, disait : « Les chansons existent pour être chantées. Parfois, le chanteur a la chance d’avoir un public qui lui renvoie le sens de ses chansons tel un miroir. C’est à cet instant que le chanteur et ses chansons peuvent entrer en résonance avec lui ».


Cécile Delaurenti | Delaurentis : Facebook

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