Dans les méandres de son histoire d’amour qui se perd, le duo Ladybug and the wolf poursuit sa route en sortant le 21 octobre prochain son premier album studio : Mammatus. À travers les songes d’un hier mutant en perspectives émerveillées pour demain, direction désormais les plafonds célestes séchant leurs dernières larmes. Que les vents des quatre coins du globe soufflent avec leur force légendaire : les barrières sont aujourd’hui levées et les paroles déliées. Pour de nouvelles réalités restant à explorer.
Bonjour Kevin, et merci d’avoir accepté cette interview. Depuis un peu plus de trois ans, tu formes avec Paloma le duo Ladybug and the wolf. Votre rencontre par le biais d’un site web musical a donné lieu à la naissance d’un amour tout personnel dépassant votre connivence artistique. Il a accouché en avril 2013 d’un premier EP intitulé To raise a miniature garden. Depuis l’année dernière et la sortie du single Familiar Games, les choses ont évolué. Le fruit de cette mutation, c’est ce premier album nommé Mammatus. Nous y reviendrons tout à l’heure. Ladybug and the wolf signifie littéralement en anglais « la coccinelle et le loup », des symboliques bestiales, poétiques et fantastiques de vos personnalités respectives à Paloma et toi. De ces deux animaux, lequel es-tu ?
(rires) Je suis un peu des deux, même si je m’identifie surtout au loup. Celui-ci vit soit en meute, soit en solitaire : c’est un peu mon cas en fait. Je ne me sens bien que lorsque je suis entouré des gens que je connais, sinon je suis plutôt enclin à m’isoler. L’inconnu et la rencontre avec des personnes que je ne connais pas me font toujours un peu peur. Cette perspective est différente de celle de la coccinelle, ce joli petit insecte qui aime tant la liberté. Souvent, lorsqu’elle se pose sur nous, on aurait envie de la toucher. Mais c’est justement à ce moment-là qu’elle décide de s’envoler. C’est pour ça que la coccinelle correspond plus à Paloma.
Les trois disques de Ladybug and the wolf suivent trois étapes essentielles vécues par votre couple : la rencontre, les doutes, et la rupture. L’amour dure trois ans : c’est le titre du livre écrit par Frédéric Beigbeider paru en 1997 et adapté au cinéma en 2012. Selon toi, est-ce une fatalité ?
Pour l’avoir lu, je pense que l’amour dure beaucoup moins de temps. Mais l’histoire en elle-même peut durer trois ans, voire plus. Je ne pense pas que ce soit une fatalité. Tout dépend si on arrive et si on a envie de bâtir une histoire solide. Même s’il est vrai qu’arrivé à la fin de ces trois années, on s’interroge : que fait-on ?
Comment qualifierais-tu votre relation personnelle ? Est-ce un amour de jeunesse ?
Non. En fait, il s’agit vraiment d’un amour né d’une passion commune pour la musique. Comme tu le rappelais tout à l’heure, nous nous sommes au départ rencontrés dans ce contexte. Nous avons commencé à composer ensemble très rapidement. C’était très facile de concevoir de nouvelles chansons avec Paloma. Nous avions les mêmes idées quant aux thèmes développés dans les paroles de nos morceaux, les mêmes mots, les mêmes mélodies en tête. Cette facilité et nos échanges qui étaient très forts ont entraîné cette histoire d’amour.
Est-ce possible de continuer à écrire, à composer et à chanter avec son ex ?
Oui ! (rires) C’est la musique qui nous a liés. Artistiquement et amoureusement. Et même si notre couple n’existe plus aujourd’hui, la musique est toujours là. Je crois que Paloma est celle avec laquelle j’ai la plus grande facilité à écrire, à concevoir de nouveaux titres, à trouver les arrangements et les harmonies les plus justes. Elle m’inspire énormément. Qui plus est, la musique est ce que j’ai toujours voulu faire. Et lorsqu’on trouve une personne comme Paloma avec laquelle expérimenter une telle connivence, un tel partage sur scène, le reste importe finalement peu.
Mammatus est donc votre premier album, il sortira le 21 octobre prochain. Quel est le sens de Mammatus ? Un rapport avec le mammatocumulus ?
Oui, tout à fait. Il s’agit d’une sorte de nuage un peu particulier formant des amas de nuages en forme de boules collées les unes aux autres. Cela donne l’impression que le ciel devient apocalyptique, qu’il va se passer quelque chose. Personnellement, je trouve ça très beau. Il y a cet aspect rassurant mêlé à cet orage qui se prépare.
Un ciel qui semble se liquéfier aussi. Les boules dont tu parles ont plutôt la forme de gouttes d’eau. Comme si le ciel se mettait à pleurer…
Très jolie tournure, c’est exactement ça en effet. Avec cette impression que tout peut arriver, y compris la douleur, au-delà de la beauté et de l’originalité de ces nuages.
Mammatus est à l’image de vos deux précédents jets et concentre des sonorités très différentes. De la country rock de Little old man à la pop folk du titre Have a bite on me – faisant écho à certaines compos de Morcheeba – en passant par les contours électros de What does it mean, on perçoit la volonté de votre duo de toucher le public le plus large possible. N’y-a-t-il pas un risque pour ce même public de s’y perdre un peu ?
Il s’agit d’une question que nous nous sommes posée en effet avec Paloma. Dans Mammatus, nous souhaitions vraiment sortir du format du duo pop-folk, notamment parce que nous commencions à être influencés par beaucoup de choses différentes. Notre séparation a d’ailleurs amplifié ça : nous avons ainsi écouté chacun de notre côté des mouvements, des styles différents. Paloma s’est penchée sur l’électro. De mon côté, j’ai creusé la country et le rock. Nous avons mélangé ces genres au moment des arrangements et de la conception de l’album. Nous avons considéré avec attention l’aspect scène en revanche. Nous n’aimons pas nous ennuyer en concert, ni proposer des chansons trop linéaires au public. Les premiers retours sur Mammatus en live nous ont beaucoup rassurés dans ce sens, car les gens ont bien perçu la touche Ladybug and the wolf. Notre travail sur les choix d’harmonies vocales notamment y contribue beaucoup.
« J’ai personnellement envie d’écrire sur d’autres sujets que notre histoire, à l’instar des violences faites aux femmes. Le sujet est suffisamment dramatique pour qu’on évite de constamment passer à côté »
Les thématiques d’écriture des chansons sont profondément liées à vos sentiments l’un pour l’autre. Le résultat est parfois brillant, notamment sur Dying Eyes. Qui a écrit cette chanson ? Quelle image te vient à l’esprit en l’écoutant ?
Paloma est l’auteure de ce texte. Ce qui est particulier avec ce titre, et la globalité de l’album aussi, c’est qu’il n’évoque pas forcément la seule rupture. Dying Eyes est un morceau à part dans Mammatus. Il est un appel à l’autre pour initier une réaction de sa part. Le but pour Paloma avec cette chanson était de me dire : « Regarde où nous en sommes, penses-tu pouvoir faire quelque chose ? ». Quand j’écoute ce morceau, la première image qui me vient est celle d’une profonde obscurité. C’est très sombre. Et cela m’évoque aussi le fait que parfois, alors même que l’autre nous interroge sur ce qu’il est possible de faire pour relancer la machine, la fin a déjà eu lieu.
Dans une précédente interview, Paloma et toi évoquiez vos difficultés à concevoir des morceaux sur des sujets plus engagés. Quant à l’expression des sentiments, tu disais qu’ils étaient « tous difficiles à transposer à l’écrit quand ils sont vrais. Car on cherche à être le plus juste possible. On ne veut pas être vague, ni en faire trop ou se risquer à être trop réducteur ». N’est-ce pas selon toi le risque de passer à côté de l’essentiel qui vous anime et qui pourrait conférer à votre identité une force d’attraction et de reconnaissance plus évidente pour le public ?
C’est le risque en effet. Nous usons de nombreuses métaphores pour l’écriture de nos chansons. Paloma écrit un peu plus que moi, elle aime jouer sur ces images. De mon côté, j’en utilise moins car mon style d’écriture en anglais ne s’y prête pas. Nos thèmes sont très connectés à la nature, mais nous avons beaucoup d’autres choses à dire sur les sentiments, le quotidien. Quant aux sujets plus engagés, c’est déjà un peu le cas depuis notre rupture. Par exemple, Paloma a écrit le titre Little old man en pensant à nous, à notre histoire. Mais la chanson dissimule un message caché en rapport avec une personne âgée qui avait fait de mauvaises choses durant sa vie et qui avait tenté de trouver une certaine forme de rédemption jusqu’à son dernier souffle. Je pense que l’après-rupture va nous permettre d’élargir le contenu de nos chansons. Paloma a déjà eu l’idée d’écrire sur les attentats terroristes. J’ai personnellement envie d’écrire sur d’autres sujets que notre histoire, à l’instar des violences faites aux femmes. Le sujet est suffisamment dramatique pour qu’on évite de constamment passer à côté. Je ne peux pas lutter seul contre ça mais je peux utiliser la musique pour dénoncer et faire avancer les choses.
Dans le clip du titre Animals, vous réussissez à transcender les chimères portées par les voix, le texte, et l’acoustique de la guitare, à travers la seule symbolique de ce masque fait de bandes médicales. Qui est à l’origine de cette proposition artistique ?
Nous avons réalisé et produit ce clip avec Block 8 Production. L’idée des bandes vient de l’équipe de Block 8. Elle résonnait avec nos influences en rapport notamment avec une série d’œuvres de Magritte intitulée Les Amants. Mais aussi avec l’histoire de notre couple. De nombreuses autres symboliques ont découlé de cette première idée. Peut-on par exemple s’aimer plus et mieux lorsque l’autre n’a pas de visage ? S’il n’a pas de visage, comment apercevoir ses émotions, sa tristesse, sa joie ? En définitive, quel est le visage de l’amour ?
C’est sur cette dernière question que nous achèverons notre échange : je te remercie une fois de plus Kevin pour ta disponibilité et ces éclairages tout en nuances. Rendez-vous le 21 octobre prochain pour la sortie de votre premier album Mammatus. On retrouve également l’ensemble des dates de vos prochains concerts sur la page Facebook© de Ladybug and the wolf. Très bonne continuation à vous deux !
Crédits photos : Fabrice Buffard et Vincent Assie (concert)