« J’suis communiste à c’qui paraît » chantait-il en 2011 sur Du rouge et des passions, son premier EP. Rien d’héroïque, évidemment. Pourtant, le constat dressé alors par Cyril Mokaiesh, dérivant sur les flots de la contestation et de la dénonciation, n’avait déjà rien de gratuit. Dans son nouvel album Clôture à paraître la semaine prochaine, le trentenaire féru de langue française pose sa barque sur les plages d’une île en symbiose avec les reflets d’une réalité. S’il ne perd rien de sa verve, Cyril Mokaiesh en profite pour se recentrer et préciser son message.
Dans les coulisses de son âme, on découvre son fidèle ami, ce désir de bousculer les choses. On y croise sa colère grimée à force de se heurter à des murs. On y reconnaît ses incohérences, celles de l’homme dans toute sa perfectibilité. Une volonté, enfin, d’initier un mouvement. Pour un rêve de changement durable qui ne serait pas qu’une simple utopie.
Cyril Mokaiesh est un artiste qui n’a pas froid aux yeux. D’ailleurs, a-t-il pu imaginer une seule seconde que ses mots soient autrement depuis ses débuts ? L’ado tâtant de la balle, jusqu’à être champion de France de tennis junior à sa majorité, est devenu. S’essayant au rock en 2007 dans un groupe qui portait déjà son nom, il embrasse finalement sa course artistique en solitaire trois ans plus tard. Il use de sa révolte intérieure pour faire reconnaître une plume acérée, exacerbée. Celles des autres aussi, notamment dans Naufragés sorti en 2015.
Je t’aime, moi non plus
Les médias ne lui en tiendront pas rigueur : s’ils sont nombreux à porter aux nues les paroles de Cyril Mokaiesh, ses partitions et ses collaborations, ils sont aussi ses cibles et le resteront encore sans doute pour un bout de temps. « Enfant de la République en colère où l’horizon se perd sous les dorures des ministères et dans l’art des médias aux allures de diktat » : dans Clôture, Cyril Mokaiesh libère une pensée exprimée par de plus en plus de gens, d’autant plus visible actuellement qu’elle ne l’était hier par le biais du web et de ses phénomènes.
Dans Clôture, Cyril Mokaiesh pointe du doigt à sa manière celles qui barricadent l’être, ses échanges, et l’univers des possibles. Et même si dans Ici en France, il peut parfois se laisser embrigader dans cette pensée unique qu’il dénonce, il conserve le mérite de porter la voix de chacun, notamment lorsqu’il s’agit de découvrir le pot aux roses.
Cyril Mokaiesh : de la rose politique à la rose poétique
« On a tendance à montrer du doigt les artistes engagés, moi j’aurais tendance à dire qu’il faut montrer du doigt les artistes qui ne le sont pas ! C’est ma vision des choses et elle ne regarde que moi ». Si Cyril Mokaiesh ne s’est jamais caché, si le parti pris est assumé, une question malgré tout subsiste : quelle est la définition d’un artiste engagé ? Clôture constitue en ce sens un début de réponse, notamment à travers deux titres fortement liés par leur évocation commune à la rose. Ainsi, à celle évanouie sur laquelle tombe la pluie dans le sublime Je fais comme si, répond celle dont les pétales tiennent à bien peu de choses dans le non moins réussi Blanc cassé.
Dans le premier, on pourrait aisément distinguer les désillusions confessées d’un homme de gauche derrière les paroles de premier degré traduisant l’échec d’un amour sincère. Dans le second, la poésie n’emprunte aucun détour, elle ne suggère aucune double lecture. On cerne mieux les raisons ayant poussé Bernard Lavilliers à accompagner Cyril Mokaiesh sur la première plage, La Loi du Marché. Le digne héritier ne mâche pas ses mots, même si chacun d’entre eux est consciencieusement et librement pesé avant d’être écrit puis chanté, à l’instar de ce Novembre à Paris. Dans un long cri, la vie s’y égare. Et si le hasard ne vaut rien face au meurtre d’un être innocent et aimé, on comprend néanmoins avec Cyril Mokaiesh qu’un artiste engagé, s’il demeure un homme que ces drames ont également accablé, est celui capable de dépasser ce « froid dans le dos ». Contre vents et marées.
Cyril Mokaiesh : Facebook