Raoul Vignal : son nom ne vous dit peut-être rien. Vous ne pourrez plus l’oublier après avoir écouté son premier album à paraître ce vendredi chez Talitres, The Silver Veil. Intense, essentielle, rare : la musique de Raoul Vignal lève le voile sur une émotion d’une infinie pureté. Enregistré à Berlin aux studios Klangbild, The Silver Veil est une ode folk à la contemplation, aux harmonies élémentaires, à l’éphémère. Et déjà, sans aucun doute, l’une des plus belles productions de 2017.
Raoul Vignal est une mélancolie. Une solitude. Une poésie dont le seul souhait est de partager ses vers les plus intimes avec l’autre. C’est l’image que l’on se fait de ces croisements de notes et de mots délicats formant la douce ivresse de The Silver Veil. Un premier album qui mit du temps à naître et dont la venue au monde sonne pourtant comme un avènement. Le gone Vignal se lance dans son projet musical en 2010. Snake Fuzz Moan est alors son nom de scène. Si le snake Raoul est déjà indomptable, il n’est pas venimeux. Il inocule ses chants tel un remède à la chaleur immuable qui parcourt chaque vaisseau de l’être.
Quelle sensibilité, quelle brillance… En écho à Bob Dylan, Raoul Vignal écrit son chemin qui composera bientôt celui des autres. Il insuffle une simplicité sereine à l’expérimentation de sentiments trop souvent ignorés. The Silver Veil fut enregistré à Berlin à l’instar de son troisième EP autoproduit. Il y posa ses bagages en 2013. Dès lors, il y multiplie les collaborations et y signe en 2015 la bande originale du film Sweet Water of Memory. En parallèle, il en extirpe une essence, la sienne, qu’il mêle à la vie s’animant sous ses yeux. Il en fait un joyau, symbole d’une lamentation silencieuse. Celle-ci ne se résigne pas ni ne se trahit.
L’or dans un murmure
Dans The Silver Veil, Raoul Vignal convie son père pour sa flûte et son meilleur ami pour sa batterie. Ces deux proches s’intègrent à la nouvelle formation mise en place par Raoul Vignal depuis son retour à Lyon en 2016. Celle-ci est composée de Lucien Chatin à la batterie et de la contrebassiste Morgane Moulin. Le résultat est saisissant. Dans les envolées chantées et chuchotées de Raoul Vignal, les accords dessinent les marches d’un escalier menant au lâcher-prise.
Les premiers du titre Hazy Days glacent le sang tant ils sont justes, authentiques, francs. Raoul Vignal s’adresse à vous. Non, pas à celui-ci : plutôt à cet autre que vous dissimulez constamment de peur de devoir justifier jusqu’à son existence. Les morceaux s’enchaînent, le temps passe trop vite. L’infini s’exprime aussi dans la cohérence des connexions mélodiques et dans les choix opérés par Raoul Vignal pour nous offrir une véritable expérience sonore et sensationnelle. Mine is One : moi est un, il est également vous, Under the same sky. Alors, qu’en fait-on ?
Raoul Vignal : l’éternité dans un soupir
Et si nous en discutions Side by Side, histoire de prendre le temps d’en décider ? Histoire de savoir ce qu’il adviendra de ces images tombées, de cette nouvelle proximité ? The Silver Veil n’impose rien, tout comme son auteur. Il suggère, il envisage, il insinue une perspective inédite sans qu’elle ne soit la seule. L’unique existe bel et bien, mais avant tout pour une élévation commune qui transcenderait les individus. Le rêve peut être réel s’il devient dans l’inconscient de chacun cette prise de conscience.
Le compte à rebours est en route dans le majestueux Whispers : le temps ne vous attendra pas. C’est le moment du réveil, celui auquel on fait face tout comme à cette nouvelle journée déjà passée. Coup d’arrêt pour une pause indiscutablement utile dans Shadows avant de clôturer le voyage de The Silver Veil. La décision finale, quant à la direction à prendre, n’en est pas une. À Raoul Vignal de vous confier les indices qui sauront illuminer la route. Jusqu’à la sortie de cette caverne dans laquelle vous vous étiez terrés.
Raoul Vignal : Facebook | Photo : Anne-Laure Étienne (header)