Fanny Roz fait vibrer ses cordes vocales et frémir la nature toute entière. Dans son dernier album Grand Décor paru en mars dernier, la jeune auteure, compositrice et interprète originaire de la région toulousaine partage son retour à l’essentiel. Connectée au monde, aventureuse, elle écoute le moindre bruissement de l’environnement, le moindre soupir de l’être, pour inventer des énigmes à la hauteur des mystères d’une simplicité qu’elle revendique et qu’elle compose sur ses mots et ceux des autres.
Bonjour Fanny et merci d’avoir accepté cette interview. Tu te présentes comme « une fille du sud, une musicienne, compositrice, auteure et comédienne ». Tes influences musicales vont du swing au jazz, en passant par la pop et la musique latine ou de l’est. Peux-tu nous en dire plus sur les origines de ces connexions entre toi et ces genres très variés ?
Fanny Roz : Elles s’expliquent d’abord de par mes études en musicologie qui m’ont ouverte à plusieurs influences musicales, ainsi qu’à plusieurs formes de composition. Le fait d’avoir vécu en Espagne m’a également fait rencontrer des artistes venant de différents horizons. Je suis partie pendant huit ans. À la base, c’était pour faire un Erasmus dans mon cursus en musicologie. Après un an passé à Barcelone, j’ai décidé d’y rester. J’ai commencé à y donner des cours de chant et à monter le projet Fanny Roz.
Quelle est LA figure artistique qui t’a décidée à te lancer artistiquement ? Pourquoi ?
Fanny Roz : Je pense à certains de mes amis qui étaient déjà dans ce parcours pour éditer un disque. Particulièrement à Paz Court, une amie chilienne qui est auteure et compositrice. Je l’avais rencontrée à Toulouse avant de partir en Espagne. Je pense aussi à María Rodès, que j’avais accompagnée en concert en tant que choriste et pianiste et qui faisait partie du label BCore.
Et lorsque tu étais enfant, quel artiste t’a poussée à vouloir faire de la musique ?
Fanny Roz : J’étais au collège Marciac en classe jazz, avec des ateliers d’initiation à cette musique. Nous participions souvent à des concerts et à des festivals. J’étais donc très influencée à la base par les chanteuses de jazz, avec cette envie de jouer avec la voix, d’improviser. Même si la décision de devenir à mon tour chanteuse est venue plus tard, je pourrais citer Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan.
Quel âge as-tu ? As-tu une autre activité professionnelle en-dehors de la musique ?
Fanny Roz : J’ai 31 ans. Mes activités se concentrent sur la musique. Je continue à donner des cours de chant. J’organise également des séjours de musique et de théâtre pour les enfants sur Toulouse.
Comment vont les Trois petits chats et le magnolia ?
Fanny Roz : (rires) Ça va bien. Il n’y a plus qu’un chat maintenant, mais le magnolia prend racine.
Ton premier album Prend son souffle et saute ! paraît en 2012 : Trois petits chats était l’un des morceaux de celui-ci. Que s’est-il passé pour toi depuis cette sortie jusqu’à celle de ton second opus Grand Décor paru le 17 mars dernier ?
Fanny Roz : Et bien, il y a eu des concerts très chouettes en France, au Portugal et en Espagne, notamment au Festival International de Guitare à Barcelone. Puis nous avons entamé la composition et l’enregistrement de Grand Décor. Cet album s’inscrit dans une démarche collective. J’ai assuré malgré tout l’écriture de la majorité des titres. Je me suis entourée de musiciens et de compositeurs comme Andreu Monclús, un guitariste qui participe au projet Fanny Roz depuis le début et avec lequel j’ai coécrit certains titres de Grand Décor. Il y a aussi mon producteur Aurélien Landy Gana : il fait également les batteries, les chœurs. Et entre-temps, j’ai déménagé. J’ai quitté Barcelone pour revenir en France. J’ai monté un projet en solo avec les chansons de Fanny Roz à travers lequel j’expérimente différentes sonorités : je percute des souches de bois et j’ai aussi développé un set avec un piano, des percussions au pied, un tom bass, une loop station et un clavier. Et je joue de la guitare depuis peu.
« Grand Décor est un album de passage. Il a été enregistré entre Barcelone et Toulouse durant mon déménagement. Au moment de mon retour à la nature. Dans ma volonté d’être ancrée dans des choses plus concrètes, plus profondes aussi »
À la troisième plage de Grand Décor, on retrouve ton titre Face à la mer ainsi qu’en dernière plage en version acoustique. Les paroles semblent décrire ta perception singulière de la solitude et du lendemain. L’interprétation et les vocalises m’ont évoqué celles d’Emily Loizeau. « Face à la mer, sans avant, sans après. Je laisse entrer de l’air, j’arrête de creuser » : quelle est la raison de vivre de cette chanson ?
Fanny Roz : Il s’agit d’un moment très précis de ma vie durant lequel j’avais envie de changement. J’étais à Barcelone, un peu emprisonnée dans la ville et dans sa dynamique très soutenue. Je me rendais compte que je n’allais pas souvent à la mer. J’ai pris le temps de m’arrêter et de me connecter vraiment au présent. J’avais envie de marquer ce moment parce que je me suis dit qu’il fallait que je prenne plus de temps pour moi, pour me connecter à la nature. Grand Décor est un album de passage. Il a été enregistré entre Barcelone et Toulouse durant mon déménagement. Au moment de mon retour à la nature. Dans ma volonté d’être ancrée dans des choses plus concrètes, plus profondes aussi. Face à la mer marque le début de tout ça en fait.
Mardi est une belle révérence à l’univers de Camille. La chanson est aussi l’occasion de faire fredonner tes amis, notamment María Rodès que tu évoquais déjà tout à l’heure. S’il n’y en avait qu’un, quel serait ce moment privilégié passé avec elle depuis votre première rencontre ?
Fanny Roz : María et moi, nous nous sommes justement rencontrées après un concert de Camille auquel nous avions participé. En marquant des commentaires à propos de ce concert sur des réseaux sociaux, j’avais remarqué un post de María. J’avais visité son site et découvert ses chansons. Je lui avais donc écrit en lui expliquant que j’aimais bien son univers. Nous nous étions vues à Barcelone une première fois. Puis une seconde : elle cherchait alors une choriste pour son premier album qui venait de sortir. Nous avions vraiment accroché, elle m’a donc proposé de participer à son projet. Nous sommes devenues proches. De mon côté, je commençais à composer pour mon propre album. Je n’avais pas assez de morceaux pour faire un concert complet : elle m’a proposé de faire un duo. Nous l’avions appelé Rodès Roz. Nous y avions présenté la moitié de ses compositions et la moitié des miennes. Suite à cette expérience, j’ai continué à composer. Une fois l’album terminé, c’est elle qui m’a proposé de le faire écouter à BCore. Le label me connaissait déjà de par mes participations précédentes aux musiques de María. Depuis, nous sommes amies. Même si elle vit désormais à l’étranger, nous prenons très souvent des nouvelles l’une de l’autre.
Feu est la chanson de l’amour vu par Fanny Roz et écrite par Laurence Meunier. 54 secondes pour « une balade d’aveux qui se balance dans nos yeux ». 54 secondes : seulement, diront certains. Est-ce à dire que l’amour doit être dépouillé d’une certaine forme de superflu pour être véritable ?
Fanny Roz : C’est quelque chose de bien plus instinctif pour moi. J’ai beaucoup aimé ce texte que m’a proposé Laurence. Il m’a touché. Dans l’élaboration de Grand Décor, j’ignorais si j’allais intégrer cette chanson. Nous cherchions un texte à poser sur la partie mélodique de Feu. Et je souhaitais vraiment poser celui de Laurence. Donc oui, je pense que l’amour doit en effet être dépouillé du superflu pour être vrai.
Peux-tu nous en dire plus sur cette auteure ainsi que sur votre collaboration ?
Fanny Roz : En fait, Laurence avait déjà écrit un texte pour mon premier album Prend son souffle et saute !, en l’occurrence, celui de C’est fou l’été. Elle n’est autre que ma marraine. Depuis des années, elle écrit de la poésie. Elle avait déjà partagé certains de ses textes avec moi et m’avait invitée à utiliser ses vers s’ils me touchaient. Ce que j’ai donc fait en 2012. Ce que j’ai fait à nouveau cette année pour Feu, car je ne trouvais pas ce que je cherchais dans les textes que j’avais écrits moi-même. Je n’en ai gardé que des extraits, car le texte original, intitulé Les sentiments d’amour, est plus long en réalité.
Fanny Roz : site officiel | Photos : Konstantina Tomoska (header), Studio du Cerisier (band)