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Grimme | Grimer pour ne pas tromper

grimme victor roux

Victor Roux a la note et le verbe. Depuis quelques années maintenant, il va plus loin que la seule exploration de la musique et tend à percer le mystère de son expression. Il baigne très tôt dans la frénésie de Kurt Cobain puis il fait plusieurs crochets par les auteurs et compositeurs américains sachant écrire et chanter la vie dans son plus simple appareil. Rencontre avec Grimme, son alter ego sur scène depuis plus de deux ans, dont il lâche la bride dans un premier album sorti en mars dernier : The World is all wrong But its all right.

Bonjour Victor et merci d’avoir accepté cette interview. Tu es auteur, compositeur et interprète. Tu te présentes comme un bricoleur du son et de l’image. Grimme est ton nouveau projet solo et ton nom de scène. Tu as sorti en 2015 ton premier EP. Quant à ton premier album The World is all wrong But its all right, il est paru en mars dernier. Que s’est-il passé pour toi entre ces deux productions ?

Grimme : Beaucoup de choses en fait. Je pense avoir mûri, et surtout, il y a eu une révolution dans ma vie qui a changé mon positionnement face aux choses et à mon existence. Depuis quelques mois, je suis père. À ma grande surprise, cet événement m’a permis de me recentrer sur moi-même, de me reconnecter avec mes vraies envies, avec ce et ceux que j’aime. J’étais dans une période d’errance et de fatigue extrême. J’ai vécu cette paternité comme une sorte de renaissance. Et tout cela a inspiré cet album, qui est sorti presque instantanément.

Tu es lyonnais et tu fais tes premiers pas dans la musique au sein de plusieurs groupes de ta région. À l’instar d’Azraël et de XX Mariani. Mais avant ces premières expériences, quelles étaient tes ambitions de gosse à 10 ans ?

Grimme : D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être dans un domaine créatif. Je ne dis pas artistique, parce qu’à 10 ans, on n’a pas vraiment conscience de ce qu’est le concept de l’art. J’ai d’abord voulu dessiner, je me voyais dessinateur de BD. Mais assez vite, la musique a pris toute la place.

Comment as-tu vécu tes différentes participations au sein de tes premiers groupes ? Quel rôle y jouais-tu ?

Grimme : J’ai commencé comme guitariste. Dans mes premiers groupes, j’amenais mes compos avec ma guitare et je les confrontais aux autres membres du groupe. Puis je me suis mis à chanter. J’ai longtemps gardé ce fonctionnement de groupe par lequel j’apportais de la matière, mais où les chansons se faisaient tous ensemble dans le local. C’est très compliqué de faire vivre et de tenir un groupe sur la durée, surtout quand il est constitué d’une bande d’ados écorchés vifs. Ça se finit souvent mal pour des raisons humaines parfois très compliquées. C’est pourquoi je me suis dit que j’allais essayer de faire mes trucs à moi comme je l’entendais quand je me suis retrouvé à Paris sans groupe, seul dans mon petit deux pièces. J’ai pas mal évolué depuis : c’était le commencement de ma carrière de chanteur.

grimme

Fais-tu toujours partie aujourd’hui de projets collectifs ?

Grimme : Oui. J’ai beaucoup de projets collectifs et j’y tiens énormément. Ils m’inspirent et m’enrichissent énormément. En restant totalement seul, on se sclérose et on ne donne rien d’intéressant je pense. J’accompagne d’autres chanteurs sur scène avec ma guitare, mais j’ai aussi une installation d’art numérique avec deux amis depuis presque 10 ans qui s’appelle Les Hommes debout. Ça tourne pas mal et dans le monde entier. On repart cet été à Singapour. J’ai aussi un groupe de musique électronique en cours de formation avec un de mes amis. Et puis Grimme, c’est aussi du travail collectif. Je collabore pour mes textes. Sur The World is all wrong But its all right, neuf textes ont été écrit par Rich Dickinson, deux par Émilie Gassin. J’ai pas mal d’amis qui sont venus mettre leur touche sur mon disque, à la trompette, au piano, à la batterie. Dans un projet solo, tu décides, tu orientes, mais tu collabores aussi énormément. J’ai travaillé seul les trois quarts du temps de la création de ce disque, mais j’ai eu besoin vers la fin de l’enregistrement d’ouvrir les morceaux aux énergies d’autres personnes. Et c’est vraiment tant mieux !

Quels enseignements gardes-tu de tes précédents groupes ?

Grimme : Hormis avoir fait mes armes en tant que musicien, je pense surtout avoir appris à travailler en collectif. À gérer les égos des gens qui m’entourent. Ce qui n’est parfois pas une mince affaire (rires).

Quel âge as-tu aujourd’hui ? Vis-tu aujourd’hui de ta musique ?

Grimme : J’ai 32 ans. J’ai eu la chance de toujours avoir pu être artiste et musicien. Je vis de ma passion depuis presque 10 ans maintenant. Après, je multiplie les projets et les collaborations pour pouvoir en vivre décemment.

Il parait que tu as transformé ton petit appart en home-studio pour les besoins de Grimme. Ça donne quoi la colocation avec la musique au quotidien ? Un amour grandissant pour elle ? Ou la nécessite de faire plus que jamais la part des choses ?

Grimme : En fait, quand j’essaye de faire la part des choses, je n’arrive pas à m’enlever la musique de la tête. Et quand ma vie n’est plus que musique, j’ai un besoin viscéral de faire la part des choses (rires).

Tu réalises et composes aussi pour d’autres artistes. Comme Laurent Lamarca par exemple, que Skriber a déjà eu l’occasion de croiser. Quel est ton souvenir de collaboration le plus intense ?

Grimme : J’ai en effet réalisé le premier album de Laurent. Je compose aussi pour d’autres, ainsi que des arrangements. Difficile de définir un souvenir particulier comme le plus intense. Chaque collaboration est très différente. Avec certains, la tournée. Avec d’autres, le studio ou encore l’écriture.

grimme tournage

En parallèle de la musique, tu creuses le monde de l’image, de la vidéo et des arts numériques. Tu l’évoquais déjà tout à l’heure avec Les Hommes debout. Peux- tu revenir sur la création de l’association AADN en 2004 et sur les objectifs que tu avais en tête à ce moment-là ?

Grimme : On a monté l’AADN en 2004 avec quelques amis. À l’époque, nous étions dans un squat artistique à Lyon : la friche RVI. Nous sortions tous du lycée. Mais ce qui nous branchait vraiment, c’était l’expérimentation, la vidéo et la musique. Nous voulions vivre de l’art. Et avec l’AADN, créer et expérimenter autour des outils numériques. De là sont nés pas mal d’installations, de performances et divers projets. Aujourd’hui, l’association est devenue une boîte de production spécialisée dans les arts numériques. Je ne suis plus du tout investi dans son fonctionnement. En revanche, je continue d’y travailler en tant qu’artiste dans l’installation interactive lumineuse et sonore Les Hommes debout dont je te parlais tout à l’heure. Grâce à l’AADN et à ses projets, j’ai pu voyager dans le monde entier. Elle m’apporte énormément encore aujourd’hui.

The World is all wrong But its all right est donc sorti fin mars. De nombreuses références musicales émergent de ce premier opus. Comme dans le titre From the birds. J’ai entendu du Fool’s Garden, du Andy Shauf, du Roger Glover and the Butterfly ball aussi dans les arrangements. Qu’en penses-tu ?

Grimme : Oui, je suis en effet très influencé par la pop des années 60 et les courants « revivals » qui en ont découlé. Mais aussi par la folk américaine, Dylan, Neil Young ou Johnny Cash. Et puis je suis fan de toutes les premières sonorités électroniques, les vieux synthétiseurs vintages notamment, que l’on peut retrouver chez Pink Floyd ou The Beatles. J’aime aussi les storytellers comme Tom Waits par exemple.

« Je trouve que la musique et les émotions qu’elle crée sont décuplées lorsqu’elles sont mariées aux images. C’est sans doute pour cette raison que mes plus grosses claques musicales sont issues de films »

Dans tes plus lointains souvenirs, quelle est LA chanson que tu écoutas et qui te marqua pour le reste de ta vie ?

Grimme : On est loin de la musique que je fais aujourd’hui, mais je suis un fan de la première heure de Nirvana. Dès l’âge de 6 ans, je suis devenu dingue de ce groupe ! La pop, la rage et le gros son en un groupe : c’est ce qui m’a amené à la musique. Après, je n’ai pas une chanson en particulier à te citer. C’est tout le groupe qui a changé ma vie. Vu que je ne dois te citer qu’une seule chanson, je partirais sur Girl from the north country de Bob Dylan. Pour moi, c’est le chef d’œuvre absolu. Guitare, voix, harmonica : c’est une profonde tristesse qui reste malgré tout lumineuse. Pour moi, il s’agit de la démonstration du mot beau.

On sent quoiqu’il en soit une véritable empreinte du cinéma dans Grimme. Elle est clairement visible dans tes clips DIY, mais aussi en filigrane dans chacune de tes chansons. Et ce, même lorsqu’on ne fait « que » les écouter. Les composes-tu en fonction du clip que tu vas réaliser pour chacune d’entre elles ? Ou ton travail d’écriture et de composition reste-t-il complètement indépendant de celui que tu inities pour la réalisation de tes vidéos ?

Grimme : Pour moi, les images et la musique ne font qu’une en effet. Quand je compose, j’ai des images en tête. Mais ce ne sont pas forcément celles des clips. C’est beaucoup plus abstrait que ça en fait. Pour les clips, je pars de la chanson finie et je vois ce que je peux imaginer avec les moyens que j’ai à ma disposition. Je trouve que la musique et les émotions qu’elle crée sont décuplées lorsqu’elles sont mariées aux images. C’est sans doute pour cette raison que mes plus grosses claques musicales sont issues de films.

grimme from the birds

Lordship Lane sonne comme un conte pour les enfants. Mais on perçoit également la trame autobiographique sous-jacente. La nostalgie, notamment celle liée à ton enfance dans ce titre, tient globalement une place importante dans The World is all wrong But its all right. Au-delà de ce premier album, jusqu’où serais-tu prêt à aller à cause et pour elle ?

Grimme : Jusqu’au bout !! (rires) La nostalgie, les souvenirs, l’enfance sont en effet des thèmes récurrents dans tout ce que je fais. C’est ce qui me nourrit et ce qui me fait vivre. Ça et l’idée que malgré la noirceur et la tristesse qui nous entourent, le bonheur n’est pas quelque chose que l’on atteint mais que l’on crée…

Et dans 10 ans, où te vois-tu ?

Grimme : Dans 10 ans, j’espère continuer à faire de la musique ma vie. Je me vois bien habiter avec ma famille plus loin de la ville.


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