2016 sera l’odyssée musicale d’une introspection créative qui se voudra plus universelle que jamais. C’est ce que tente en tous les cas de démontrer Seldom Colin avec son premier album The Romantic Egotist qui sortira le 5 février prochain. À en croire les frissons qu’il fait naître, il se pourrait bien qu’il soit sur le bon chemin et qu’il puisse même nous l’indiquer.
Bonjour Seldom Colin. Cette planète sombre en surface et brûlante à l’intérieur s’est placée en orbite autour de la Terre il y a quelques semaines. Elle entamera sa première rotation le 5 février pour illustrer ton premier album intitulé The Romantic Egotist. Entre étude sans concession de soi-même et vanité, l’égotisme est donc un thème on ne peut plus assumé dans ce premier jet. Tu le mêles à un romantisme et à une gravité exacerbés en nous faisant traverser les mondes alternatifs, électro et jazzy de ton univers. Quel est l’évènement qui a si profondément bouleversé ton existence, au point d’être capable aujourd’hui de décrire avec recul et simplicité la dérive de l’âme humaine ?
Seldom Colin : Bonjour Florian. Vaste sujet. Il m’est très difficile de citer comme ça un évènement en particulier. Disons alors qu’il y a eu des évènements qui se sont succédés, avec cette volonté de mon côté d’avoir un certain regard sur le passé. En réalité, il s’agit plus d’un cheminement. Ce premier album a été l’occasion pour moi de chercher un son, une thématique ; de prendre le temps, à travers le personnage du Romantic Egostist, d’analyser notre rapport à la relation, qu’elle soit sentimentale, ou plus généralement. L’idée était de replacer ce personnage dans différents moments de sa vie, comme l’adolescence, pour cerner son rapport à l’amour à travers les diverses phases de ce sentiment. C’est pour cette raison que l’on passe de l’insouciance naïve à quelque chose de plus habité, de plus désabusé. Il s’agit d’un trajet, d’un voyage, d’un développement, plus que d’un élément précis dans le temps.
Qui est ce personnage ?
Seldom Colin : C’est un peu nous tous d’une certaine manière. Nous avons en nous une part de ce personnage désabusé qu’est The Romantic Egotist.
Quel est le sens de ton nom de scène Seldom Colin ?
Seldom Colin : Je trouvais ce nom marrant, tout comme je trouvais drôle de créer un personnage avec un adjectif un peu bizarre devant (ndlr : l’adverbe seldom signifie rarement en anglais). De plus, comme je suis un peu touche-à-tout et très curieux, j’ai eu la sensation que ce nom me permettrait de faire des choses différentes au sein d’un même album ayant malgré tout sa trame. Enfin, ce mot devant mon prénom était aussi synonyme de légèreté pour moi.
« Comment peut-on être si sûr de soi et ne jamais changer ? Ne change-t-on pas tous finalement ? Certains changements ne sont-ils pas souhaitables ? »
Tu as bénéficié en septembre dernier d’une aide de 2 500€ du Fonds Pour la Création Musicale. Est-ce le premier projet musical que tu portes ? Quand as-tu commencé à faire de la musique ?
Seldom Colin : J’ai commencé la musique assez tôt. Je devais avoir neuf ans. J’ai été dans plusieurs groupes. Puis après mes vingt ans, j’ai vécu plusieurs années durant lesquelles j’ai travaillé dans des secteurs qui n’avaient pas de rapport direct avec la musique. J’ai quitté Paris et j’ai pas mal voyagé, en Argentine notamment, puis en Espagne. Je suis resté dix ans à Barcelone. Je continue à y vivre la moitié de mon temps encore aujourd’hui. Ces voyages m’ont enrichi. Ils m’ont donné cette envie de les retranscrire dans de nouvelles compositions. Mon premier album The Romantic Egotist est le moyen pour moi de la concrétiser.
Tu y rends hommage à tes influences que l’on distingue très nettement, notamment Massive Attack, Gorillaz, Moby, Radiohead, Goldfrapp. En as-tu d’autres à me citer ?
Seldom Colin : Massive Attack est clairement une grosse influence dans The Romantic Egotist. J’écoute également d’autres genres musicaux selon les périodes : du jazz, avec les grands comme Davis, Hancock, Coltrane. Mais aussi les plus récents comme Avishai Cohen. J’ai également été très fan d’abstract hip-hop avec des groupes comme Company Flow par exemple, pas très connu. J’apprécie aussi beaucoup la musique classique. Cela va d’Erik Satie pour l’aspect minimaliste à Bartók, Chostakovitch, Prokofiev. Il y en a tellement !
Tu y révèles une identité artistique tout à fait originale. Elle raconte une histoire simple invitant à une introspection nécessaire. À quoi pense Seldom Colin lorsqu’il se love dans sa solitude ?
Seldom Colin : Le rapport à l’autre, thème central de The Romantic Egotist, est en fait celui auquel je pense aussi le plus dans ma solitude. Et surtout, cette capacité que nous avons à passer d’un extrême à l’autre en quelques années de temps. C’est assez impressionnant parfois je dois dire. Sans compter que certaines personnes sont tellement convaincues qu’elles ne se remettent plus en question en définitive. Comment peut-on être si sûr de soi et ne jamais changer ? Ne change-t-on pas tous finalement ? Certains changements ne sont-ils pas souhaitables ? Enfin, j’accumule des ressentis, des façons de penser. Je prends le temps de leurs évolutions jusqu’à ce qu’ils arrivent à maturité.
The Romantic Egotist révèle des collaborations étonnantes avec des artistes qui méritent comme toi d’être connus par le plus grand nombre, à commencer par Marion Mayer, lauréate en 2014 du tremplin Label Mozaïc organisé par le Crédit Agricole. Son dernier EP intitulé Together Alone est sorti en novembre dernier. Il allie pop et folk avec beaucoup de justesse. Sa voix est une invitation, subtile mélange entre celles de Sinead O’Connor et Aime Mann. Quelle est la nature réelle de cette invitation dans les deux titres qu’elle interprète : Silhouette et One More Dear ?
Seldom Colin : Marion Meyer est déjà une professionnelle incroyable, elle travaille vraiment bien. Je l’ai découverte lors d’un de ces lives, ça vaut vraiment le détour d’ailleurs. Elle arrive à faire passer des émotions fortes tout en étant seule sur scène. Pour ces deux morceaux que tu évoques, j’avais besoin d’une voix mêlant innocence et profondeur. Notre collaboration a fonctionné immédiatement. J’étais très impressionné. Marion a ressenti le personnage très rapidement et avec beaucoup de justesse. Il s’agissait entre autres de traduire la séduction, l’élan vers l’autre.
Ton quotidien est fait de voyages, notamment entre Paris et Barcelone comme tu l’évoquais tout à l’heure. À ce propos, on retrouve à tes côtés une artiste espagnole du nom d’Edurne Arizu sur ton titre A Step Away. Le clip de ce morceau est sorti la semaine dernière, il a été tourné au Japon. Edurne a l’habitude de collaborer avec plusieurs compagnies et musiciens de son pays d’origine. Diplômée du Conservatoire de Pamplune et de l’Université de Barcelone, son instrument fétiche est l’accordéon. Peut-on parler d’une rencontre du troisième type avec Edurne ?
Seldom Colin : Un peu oui (rires). Nous nous sommes rencontrés par hasard à Barcelone grâce à des amis musiciens lors d’un de ses concerts. Edurne est également une artiste incroyable, multi-instrumentiste. Elle sait mener de front plusieurs projets très variés. Je l’ai vue jouer en quartet de musique classique, aux côtés d’un groupe de swing, mais aussi s’investir dans un projet électro plus personnel. Notre collaboration a été une évidence car la vraie force d’Edurne est de pouvoir être à l’aise dans n’importe quelle situation. En arrivant avec A Step Away sous le bras, elle a totalement pris possession du personnage elle aussi.
Dernier morceau de l’album sur lequel j’aimerais m’attarder avec toi, et non des moindres. Il s’agit de Lights Out, avec à tes côtés cette fois-ci Désirée Diouf. Sa voix chaude et profonde de cantatrice révèle la passion de ses origines italiennes et sénégalaises. Le piano cède progressivement sa place à l’électro et permet à la voix de Désirée de résonner avec celles de Shara Nelson et de Martina Topley Bird. Le morceau sonne comme une éclipse, la fin d’un cycle…
Seldom Colin : Il s’agit de ça effectivement. C’est une sorte d’éclipse, une sorte de pause, une sorte de départ assumé.
Un départ pour quoi ?
Seldom Colin : C’était une façon de dire au revoir à quelqu’un. À une chose désormais achevée. À ce cheminement, à ce passé dont j’aurais fait le tour. Désormais, les lumières peuvent s’éteindre.
The Romantic Egotist, c’est toi. À trente-deux ans, après avoir fait cette rétrospective sur ton parcours et tes rencontres, peut-on envisager que tu t’y replonges la quarantaine passée ?
Seldom Colin : Oui, il y a de ça. Car l’envergure du sujet est suffisamment grande pour y revenir un jour. Il y aura en tous les cas une matière à exploiter à nouveau. Et c’est déjà le cas dans les nouveaux travaux que je mène actuellement, notamment mon second album sur lequel je me concentre déjà en parallèle de l’organisation de mes prochains lives, plutôt complexe du fait qu’il y ait plusieurs interprètes sur The Romantic Egotist.
Crédits photos : Jose Garrido Tundidor (portrait noir et blanc)