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Volin | Vol au-dessus d’un nid de rimes

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Volin est un groupe montpelliérain formé il y a quatre ans par Colin Vincent, Romain Delorme et Maxime Rouayroux. Colin et Maxime jouaient déjà ensemble dans leur premier groupe Labyrinthe. Mais c’est désormais Volin qui occupe chacune de leurs minutes. Après un premier EP sorti en 2013 et son single Canon/Le réveil paru deux ans plus tard, Volin sort le 31 mars un premier album intitulé Volcan, entre acoustique, électro enveloppante et échos folks. Les textes de Colin gagnent en sensibilité et déroutent tout autant que sa voix. Rencontre avec les trois membres de Volin à l’occasion de leur passage au Metronum de Toulouse.

Bonjour à vous trois, et merci d’avoir accepté cette interview. « Dire que l’on s’exerce à tenir la distance avec tout ce qui touche quand le bât blesse… Alors je continue la route, je veux sortir de la ronde ordinaire qui avale le jour » : ces paroles sont extraites du titre album Volcan. Colin, peux-tu nous en dire plus sur la symbolique du volcan ?

Colin Vincent : Volcan est un morceau qui se nourrit des vies que nous menons. De ce que nous réalisons de façon plus personnelle avec nos amis, nos copines. Volcan, c’est aussi la volonté de poser un regard sur les choses. De s’écouter aussi, je crois que c’est ça le fond de l’histoire. De prendre le temps d’être en phase avec soi-même pour être bien. Volcan est un morceau que j’ai écrit avec en tête cette idée que tout va vite. L’image du volcan, c’est le sentiment de passer parfois à côté de ses émotions parce que nous sommes avalés par un rythme un peu rapide. C’est l’idée de se reconnecter avec soi-même et de laisser jaillir ces émotions qu’on a du mal à ressentir, que l’on ne s’autorise pas à ressentir. C’est l’idée de se couper un peu du monde qui avance, de toute la dureté, de tout ce qu’on nous impose aussi. Toutes ces choses avec lesquelles il faut se débrouiller. Le volcan est aussi un espace de liberté. Nous faisons de la musique, nous essayons de nous exprimer en faisant parler nos tripes.

Te souviens-tu de tes premiers vers ainsi que du contexte et des éventuelles personnes de ta vie, connectés à ces derniers ?

Colin Vincent : Mes premiers vers, je serais tenté de dire que c’était en yaourt. Avec Labyrinthe, mon premier groupe, il y avait des textes qui n’existaient pas car je chantais en anglais. Je bricolais un yaourt que je chantais parfois sur scène en pensant que les gens ne s’en rendraient pas compte. Je me souviens des premiers textes que j’ai écrits pour Labyrinthe, mais j’ai vraiment commencé à écrire pour faire de la musique en utilisant les souvenirs que j’avais de mon village dans le Gard, à côté de Beaucaire entre Nîmes et Avignon. De ce pays-là. Ce sont les premiers que j’ai utilisés pour mon inspiration. Ce sont ces moments entre potes à construire des cabanes, ces petites histoires d’amour de gosse aussi, certainement.

Comment se déroule le travail du groupe une fois les paroles de Colin achevées ?

Romain Delorme : Colin arrive souvent avec une composition qui marche déjà. Nous retouchons rarement les textes et les mélodies. En fait, nous n’intervenons pas du tout sur les paroles. Après, il y a tout un travail ensemble autour de la musique. Parfois, on peut partir loin de ce qui était proposé à l’origine, ça dépend. On se permet en tous les cas toutes les libertés. Les moments où nous travaillons ensemble sont des moments d’échanges, de prises de tête, de réussites aussi et d’amour (rires). Ce sont des moments où nous nous mettons tous les trois à chercher, en danger, à chercher encore. Chacun a sa place.

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Un moment, une anecdote à partager avec Skriber depuis que vous jouez ensemble ?

Maxime Rouayroux : J’ai l’image de nos sessions que l’on faisait chez les parents de Colin et Florian (ndlr : le frère de Colin devenu l’ingé son de Volin). Elles étaient les rendez-vous durant lesquels on s’immergeait dans notre musique pendant quelques jours. Et j’ai cette image des repas dans la cuisine à Vallabrègues. Des repas généralement commencés très tard : quand on s’immerge dans la musique, on se décale, on ne vit plus avec le rythme du jour…

Colin Vincent : À tenter de fumer des filaments de banane pour voir ce que ça donnait, car nous n’avions plus de tabac, ce genre de choses… (rires)

Maxime Rouayroux : (rires) Toutes ces images me restent. C’était déjà une belle aventure, avec des supers amis.

De Radiohead à Jacques Brel, en passant par Léo Ferré et Ravel, les influences de Volin couvrent des genres musicaux très différents. Mais pas seulement… Lorsque Volin ne lit pas Baudelaire ou Aragon, il se réfugie aussi dans les histoires de David Lynch et d’Almodóvar. Résultat : les paroles et les musiques de Volin sont très visuelles, cinématographiques. Comme dans le titre Nuit de Glace faisant chuter la haine au futur. Le précipice est bien réel mais aussi intérieur. Quelle histoire a inspiré ces mots ?

Colin Vincent : J’ai écrit cette chanson après avoir vu un film de Paolo Sorrentino qui s’appelle This must be the place, avec Sean Penn. C’est un road trip un peu au second degré avec pas mal de légèreté, mais avec une histoire assez forte en toile de fond. Une histoire de vengeance de ce personnage assez bizarre, tout grimé, interprété par Sean Penn. Il part à la recherche du bourreau de son père tué lors de la guerre de 39-45. C’est un moment qui m’a marqué. Ça m’a donné envie d’aller un peu plus loin dans le ressenti que j’avais eu de ce film. Nuit de Glace est aussi un texte à la forme un peu bizarre, la plus bizarre de l’album si je devais le juger au niveau de ce qu’il raconte, de sa structure. Je l’ai coécrit avec un ami. Nous avions partagé les vers et joué aussi avec les mots. Par exemple, « L’hiver ouvert livré » était au départ écrit ainsi : « L’hiver ou vers l’ivraie ». J’aimais beaucoup la sonorité de cette première version. Je l’ai gardée pour n’en changer que le sens car je trouvais que ça collait mieux à l’ambiance du texte.

Qui est cet ami que tu évoques ayant participé à l’écriture des paroles de Nuit de Glace ?

Colin Vincent : Parlons-en, puisque c’est aussi lui qui a écrit le scénario du clip de Volcan. Il s’agit de Vincent Rudelle. C’est un très bon ami de longue date. Il fait partie de la structure La Lucarne enchantée avec laquelle nous avons fait notamment le clip de notre titre Et l’on rêve, celui de Volcan.

« Je trouve qu’il y a de la facilité à tomber dans des vers un peu sophistiqués, à faire de la poésie pour faire de la poésie. J’aime bien aller à contre-sens de ça. »

« Les roses saignent la nuit. Au matin nous buvons la rosée. Ces roses rouges qu’on a cueillies ivres comme toujours » : Volcan s’achève sur d’autres nuits de Volin. Des Nuits qui sonnent faux. Le titre débute à la manière d’une fusion des mondes de Bon Iver et de Sigur Rós. Le texte relate un isolement, les sensations qu’il procure, les sentiments amoureux auxquels, aussi, il ramène. Comment Volin ressent-il ce morceau aujourd’hui ?

Colin Vincent : Bravo ! J’ai vraiment envie de te faire plaisir lorsque tu me poses une question comme ça. Mes Nuits sonnent faux est un texte qui est fortement empreint d’un contexte, qui transpire d’un moment, en l’occurrence, une soirée, une nuit. Une nuit blanche où tout le monde est un peu ivre. Refaire le monde quand on est saoul : ce sont ces limites-là qui sont belles parce qu’on aime ça. Mais il y a aussi quelque chose d’un peu illusoire et de « vain » là-dedans.

Romain Delorme : Il y a beaucoup de manières différentes pour interpréter les paroles de Colin. Je trouve ça vachement riche en fait car pour moi, c’est le signe de la qualité d’un texte. De pouvoir le penser ainsi plutôt que comme ça.

Colin Vincent : Mes Nuits sonnent faux est le témoignage de cette répétition de soirées, ivres, à refaire le monde. Et la beauté qu’il y a là-dedans. Même si on se lève le lendemain et qu’il faut recommencer la journée en ayant la gueule de bois. « Les roses saignent la nuit » traduisent ça aussi à travers cette belle image qui se déconstruit pendant la nuit. « Au matin, nous buvons la rosée » : il faut repartir.

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On sent un peu de pudeur dans ta réponse…

Colin Vincent : Ce n’est pas évident pour moi. J’ai du mal à parler de mes textes. Et en plus, je t’avouerai que j’ai écrit Mes Nuits sonnent faux il y a un petit moment. Ce n’est pas comme si je l’avais écrit il y a six mois. Je pense en fait que je l’ai écrit il y a quatre ans. Je suis assez content de voir ce qu’il projette. Mais je n’ai plus aujourd’hui la même approche de l’écriture. J’ai écrit Mes Nuits sonnent faux à un moment où je lisais beaucoup de poésie, notamment celle de Paul Celan qui m’a indirectement influencé pour ce morceau. J’écoutais aussi beaucoup Babx. J’étais dans une exigence poétique dans la forme. J’essaye actuellement de m’en libérer. Ça m’intéresse beaucoup plus maintenant d’aller chercher des mots qui ne sont pas forcément à connotation poétique.

Je tente de faire quelque chose de plus nu car je trouve qu’il y a de la facilité à tomber dans des vers un peu sophistiqués et à faire de la poésie pour faire de la poésie. J’aime bien aller à contre-sens de ça. Des chanteurs comme Bertrand Belin ont cette approche très intéressante et qui reste très poétique. Elle change de cette écriture en quatrain. On sort de cette forme habituelle avec la rime. L’écriture est bien plus axée sur les mots. Les mots sont des images qui forment à la fin un film, une peinture. On en retient une impression qui permet de faire corps avec la musique.


Volin : Facebook | Photos : J.Chaussignand (fond coloré), Arnaud (live)

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