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Years in Marble | Raoul Vignal, malgré lui

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Skriber était déjà présent en 2017 pour la sortie de The Silver Veil. D’ailleurs, comment aurait-il pu en être autrement ? Oak Leaf, son second opus, paraissait l’année suivante. Vendredi 28 mai 2021, Raoul Vignal revient avec Years in Marble. Un témoignage nuancé et sans fard de l’époque actuelle, au-delà d’un simple disque. 

Les mélodies hypnotiques composées par Raoul Vignal n’en finissent pas de se diffuser. Depuis quatre ans, l’auteur, compositeur et interprète lyonnais marque les esprits de son empreinte. Dans la sérénité d’une cuisine parisienne ou loin des tumultes citadins, il a débuté en 2020 la création de son troisième album Years in Marble. Une pièce qui cristallise un certain nombre d’évolutions personnelles, dans la continuité de son approche artistique.

“Après avoir pas mal bougé pour défendre mes deux premiers albums, le rythme des tournées s’est ralenti fin 2019. J’ai rejoint Paris début 2020, en compagnie de Lucien Chatin, qui m’accompagne à la batterie depuis The Silver Veil. J’y ai posé mes valises quelques mois. Ensuite, je suis retourné en région lyonnaise en septembre 2020, à la campagne.”

“Je suis donc passé d’une période de tournées et de voyages à un mode de vie beaucoup plus sédentaire. Cela m’a demandé un temps d’adaptation. Mais ce choix a été bénéfique : j’avais bien besoin de ça pour me remettre sérieusement à l’écriture d’un troisième disque. Sur le plan artistique, pas de changement majeur. En réalité, j’ai l’impression de continuer sur ma lancée, sans trop me poser de questions.
”

Raoul Vignal : ouverture et constance

Si son univers mélodique, parfois onirique, peut évoquer celui d’un Peter Von Poehl, Raoul Vignal confie ne jamais avoir pris le temps de l’écouter. En parallèle, il confesse qu’il n’est pas un grand fan de Bob Dylan. “Mais ça pourrait changer, who knows…”

Ainsi, il souligne que son “inspiration, je ne la tire pas d’un artiste en particulier cela dit. Il s’agit plutôt d’avoir assimilé, au cours des années, des choses différentes. D’avoir pris ça et là ce qui me touche. Je conseillerais à qui le veut bien d’écouter First Songs de Michael Hurley. Cet album est un trésor de ballades folk, je suis toujours très apaisé à son écoute.” 

Years in Marble : itinérance multiforme

Une fois de plus, Years In Marble a été pour Raoul Vignal l’occasion d’allers-retours entre Paris, Berlin et Lyon. Et s’il y a finalement posé ses valises, cela ne l’a pas empêché de poursuivre une exploration intérieure intense par ses projections musicales et ses rencontres. “Ces allers-retours fréquents font, ou plutôt, faisaient, partie de mes habitudes. Ayant également de la famille en Espagne, je suis souvent en mouvement. Changer de cadre est pour moi source d’inspiration.”

“J’ai construit la structure de mon troisième album lorsque j’étais à Paris. J’ai passé des heures et des heures dans la petite cuisine à peaufiner tout un tas d’idées, dans une ambiance très recluse. Studieuse même. Puis il y a eu un séjour à Berlin en mars. Je m’y suis lié d’amitié avec un certain David Kazamias. Par la suite, celui-ci a été d’une aide précieuse en me guidant dans le processus d’écriture des paroles. Pour finalement enregistrer Years in Marble en région lyonnaise avec l’ingé son Matteo Fabbri.”

Histoire d’un création

“J’ai toujours une ribambelle de morceaux en stock. J’avais déjà bien avancé dans l’écriture d’une nouvelle série de chansons lorsque j’ai reçu un coup de téléphone de Sean Bouchard (CEO du label indépendant bordelais Talitres, ndlr). C’était fin 2019 je crois. Les concerts se faisaient rares. On a évoqué un troisième album, sa teneur, comment on pourrait le produire. Quelques mois plus tard, avec le challenge supplémentaire imposé par la pandémie et les restrictions, on a dû s’adapter, repenser la formule et la manière d’enregistrer.” 

“Je me suis alors mis à l’écriture de nouveaux morceaux, en changeant un peu de direction. Et ce, dans le but d’avoir quelque chose de plus brut, de plus récent, ce qui rendrait la conception de l’album plus engageante. S’il n’y a pas eu d’étincelle concernant la genèse de Years in Marble, il y a eu en revanche beaucoup de sueur.”

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Years in Marble : en pleine crise

Pour son troisième album, Raoul Vignal a initié des choix forts tout en s’adaptant aux circonstances. Entre confinements et déconfinements, il évoque pour le qualifier “un produit “homemade” réalisé avec une équipe extrêmement restreinte. En ce sens là, Years in Marble est un album de 2020.”

Toutefois, Years in Marble ne se confronte pas directement à la crise globale. Il s’agit pour l’artiste d’exprimer son ressenti “en filigrane”. C’est le cas notamment dans le titre City Birds, ouvrant cette nouvelle production. Il évoque “ses joueurs de cartes qui s’occupent comme ils peuvent dans une ville sans activité”. Mais aussi dans Summer High, pour partager les regrets connectés à la nostalgie d’un monde en mouvement.

“Dans Century Man, je chante la perte d’un proche, une victime “collatérale” de la pandémie.” Quand le morceau To Bid the Dog Goodbye fait mention au chien familial. “Il était un emblème de la maison du bonheur”, témoigne Raoul Vignal. “Dire au revoir, entre deux confinements, à cette bête tendre et robuste, a été difficile. Car je savais qu’il se passerait encore de longs mois avant que je puisse, peut-être, la revoir.”

Au jour le jour

L’approche du nouvel album de Raoul Vignal n’est donc pas frontale. Et une autre de ses décisions appuie cette démarche. “Il y avait bien un douzième morceau à la base dans Years in Marble. Il évoquait directement le monde au ralenti, les activités en pause. Je l’ai écarté de la sélection finale. En effet, je ne voulais pas d’une chanson trop ancrée dans un quotidien et un état d’esprit dont on espère tous se sortir. À voir donc, d’ici à ce que tout cela prenne fin, comment il sonnera dans un contexte différent.
”

Dès lors, quelle place tiennent dans l’album les espérances de Raoul Vignal pour les temps à venir ? “Des espérances, forcément oui, j’en ai. Mais avec les retards, les reports, les annulations et les autres mauvaises nouvelles qui ont rythmé le quotidien de beaucoup d’entre nous, ma manière d’appréhender les choses ces derniers temps a été de vivre sans attente particulière. Une simple manière de se protéger, plutôt que de naviguer de déception en déception. Years in Marble regarde dans le rétroviseur plus qu’autre chose.
”

Years in Marble : quand la culture s’effrite

“Vivre sans culture nous plonge dans une ambiance morose. Nous en avons tous besoin, à différents degrés, pour communier. Voilà où se trouve sa force. Pour ce qui est du monde de la culture en France, sans en être un expert, j’observe, de loin, les lentes avancées. Il y a beaucoup d’incompréhension face aux mesures (ou plutôt, leur absence) adoptées pour gérer la crise que traverse le secteur. Chaque pays aborde ce problème à sa manière. Mais je ne pense pas qu’on puisse mettre la France sur le podium en l’occurrence.”

“Il y a eu les aides financières versées par des organismes tels que la SPEDIDAM ou la SACEM. Maigres certes, mais toujours bienvenues quand les rentrées d’argent se font rares. L’allongement des droits des intermittents aussi. Grosso modo, des solutions à court, voire très court terme. Ce n’est pas ça qui remettra le navire à flot de si tôt. Pour tous ceux qui sont sans statut et/ou ne bénéficient d’aucune aide, et bien : c’est la merde. Il n’y a pas d’autre manière de le dire. Alors, on va faire ce que les musiciens ont toujours fait : serrer les dents et aller de l’avant.”

“Il faut saluer le travail des associations, organismes culturels, salles de concerts et autres acteurs du milieu, mis en place pour garder le lien, ou simplement pour survivre à la crise. Nous comptons tous sur eux pour que la musique vive. Sur une note plus personnelle, je voudrais remercier mon label pour avoir appuyé la sortie de ce disque dans ce contexte.”


Raoul Vignal : Page Talitres | Photos : Caroline Skadhauge (header), Anne-Laure Étienne (automne)

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