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Pandra Vox – Un mot, des maux, l’espoir en tête de liste

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En octobre dernier, Pandra Vox succédait au projet Danaïad et offrait à nos petites oreilles innocentes des sonorités bien étranges servies sur un lit de textes incarnés à travers un premier EP intitulé Hope is Still available. Au mélange des styles parfois surprenant répondait une voix, celle de Pandra, fée contemporaine à la sensibilité exacerbée. Portée par ces trois anges gardiens d’un secret dévoilé à qui pourra bien le comprendre, elle dit sans une once de fabulation la peine qui nous condamne et nous indique la porte de sortie vers un univers au sein duquel elle nous ferait tous rois.

Entretien avec Sandra Lacourly – Auteur/compositeur/interprète – Pandra Vox

Bonjour Sandra, ou devrais-je dire Pandra. Merci de nous accorder ces quelques instants qui nous permettront de mieux te connaître et d’en apprendre un peu plus sur ton groupe. Celui-ci a pris définitivement ton nom de scène l’année dernière : Pandra Vox. La mère de Pandra Vox est le projet Danaïad. Celui-ci a également accouché de la métaphore de « l’Hydre à quatre têtes » que tu as déjà utilisée en interview précédemment. Première question : y’a-t-il une connivence particulière entre ta voix et celle annonçant la fin du monde ?

Whoops ! Non, ne m’attribue pas la voix de la fin du monde quand même ! (rires) Je suis une artiste qui est là pour symboliser l’espoir et non l’apocalypse. Certes, mes textes sont sombres et imprégnés de cynisme, mais ils ne parlent pas de fin du monde.

Pandra est l’alliance de ton prénom, Sandra, avec celui de Pandora, la première femme, conçue par les dieux de l’Olympe pour se venger du vol du feu par Prométhée. Ce prénom, Pandora, a plusieurs significations : « celle qui a tous les dons », « celle qui est le don de tous les dieux », « celle qui fait sortir les présents des profondeurs ». Quel est le sens de ton nom de scène au-delà de tous ces éléments ?

Ce sont là de bien belles qualités. Mais n’omettons pas la seconde partie de mon nom de scène, en l’occurrence Vox, la voix. Elle fait écho aux voix intérieures, les miennes. Celles qui commandent, celles qui obéissent, celles qui soutiennent la multiplicité. Cela rejoint le personnage mythologique. Au moment de créer un morceau, j’utilise toutes ces voix intérieures pour chaque ligne instrumentale : celle pour le piano se superpose à celles de la basse, de la guitare, du chant. Je constitue ainsi un chœur qui fait la chanson et une proposition de composition que je soumets à mes trois acolytes en plus de mes textes pour qu’ils réinterprètent et enrichissent ces voix. François Vulliet, Gaston Duchez et Benjamin Cohen-L’hyver : nous composons à nous quatre l’harmonie de Pandra Vox dans laquelle chacune de nos touches artistiques s’exprime et ajoute à l’identité du groupe.

Que te disent tes voix intérieures ? Quelle mission t’ont-elles confiée ?

Difficile de te dire que je me sens investie d’une mission. Si je dois répondre en tant que personne habitée, je pourrais dire en effet que je suis très sensible à l’injustice et que l’impunité me révolte. Par conséquent, c’est souvent sujet à matière. Autrement dit, ce sont des thèmes récurrents dans mes chansons. Je viens justement de terminer une chanson qui s’intitule Hambach évoquant l’une des dernières forêts primitives européennes située en Allemagne. Elle est en train d’être dévastée par un grand groupe énergétique qui l’a acquise pour une bouchée de pain. On perd notre air au profit du capitalisme, et ça me rend dingue. Voilà le genre de thème dont je parle.

Pandra Vox a sorti en octobre dernier un premier EP intitulé Hope is still available. Une autre référence à la mythologie s’il en est puisque l’espoir se trouvait parmi tous les maux que la boîte de Pandore renfermait. Selon toi, que manque-t-il à notre société aujourd’hui pour transformer cet espoir que tu portes en action concrète et salvatrice pour demain ?

Je pense que ça passe par de toutes petites choses. Je pense que ça passe par une prise de conscience collective. Chacun peut se rendre compte qu’il a la possibilité d’agir. Il suffit de commencer par voir ce qu’il y a de positif autour de soi pour avoir envie de se mobiliser, pour apporter de l’énergie et de la joie dans ce que l’on fait. Si chacun réussit à dépasser ses propres peurs et notamment sa peur de l’autre. Si chacun réussit à regarder l’autre en face et à considérer ce qu’il peut partager avec lui, alors oui, tout devient possible. Je suis une éternelle optimiste.

D’où cela te vient-il ?

Pendant une certaine période de ma vie, j’ai été entourée de pessimistes. Des gens dont il fallait remonter le moral régulièrement parce qu’ils broyaient beaucoup de noir. Certains par cette attitude ont pu me faire plonger jusqu’aux ténèbres les plus profondes. Ce n’est pas viable sur le long-terme. Une seule alternative s’offre alors à nous dans ces circonstances : soit on plonge avec eux, soit on se raccroche à ces choses qui font que les étincelles existent et qui nous font réaliser qu’elles valent la peine d’être vécues.

On cesse de remplir le tonneau des Danaïdes pour incarner Pandore et rependre l’espoir sur toute la Terre…

Exactement. L’optimisme a de nouveau pointé le bout de son nez. Cela m’a donné envie d’agir et de me construire par opposition. Car finalement, si on commence à voir tout en noir, le sens est perdu.

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Votre groupe Pandra Vox excelle dans le mélange de genres musicaux qu’il conjugue à tous les temps : pop, trip-hop, jazz, et électro stimulante. On retrouve beaucoup de Camille, de Massive Attack, de Blue Boy dans vos compositions. Au-delà, les chansons de Pandra Vox sont également des textes disponibles sur votre site web. J’ai été très sensible à cette initiative. J’ai cru comprendre que tu es conceptrice-rédactrice issue d’une formation en communication et en publicité. Comment passe-t-on de l’écriture seule à cette volonté de la chanter ?

En fait, je pense qu’il faudrait prendre la question dans l’autre sens. Depuis que je suis toute petite, je chante et j’écris. La conception-rédaction et la pub sont des univers parallèles au reste. Car dans ce cas, j’écris pour le compte d’autrui. Lorsque j’écris ma musique, ma démarche est bien plus introspective et totalement indépendante de ce métier. Même si l’un nourrit l’autre d’une certaine manière. Disons que j’ai l’écriture créative. Quoiqu’il en soit, la conception-rédaction fait également partie de mon histoire, celle qui m’a menée là où j’en suis aujourd’hui. J’ignore si je me sentirai plus « entière » demain en cessant de la distinguer de la musique.

Tes textes sont très empreints de poésie. Quel est ton poète préféré ?

Hanif Kureishi. C’est un écrivain, un scénariste, un poète de talent.

As-tu quelques vers de lui à partager avec nous ?

« Le plaisir : vortex et abyme. Ce que nous craignons et ce que nous désirons tant à la fois. Le plaisir suppose qu’on se salisse les mains, qu’on se sente menacé. On y trouve la peur, le dégoût, la haine de soi, l’échec de la morale. Un sacré boulot. Tout le monde ne peut pas supporter la perspective d’y accéder ».

Quatre titres composent le premier EP de Pandra Vox, Hope is still available. Le premier est intitulé Set them free. Le protagoniste principal de ce morceau y expérimente une agonie lente et douloureuse. De nombreuses questions l’assaillent, celles aussi d’un narrateur qui tente de le raisonner, de le détourner d’un dénouement tragique. Qui doit être libéré dans cette chanson ?

Un soldat. Derrière ce soldat, tout un peuple. Plusieurs peuples. Ce soldat est aveuglé par le sang qui coule à ses pieds. Il tire sur des ombres qu’il ne perçoit pas comme les gens qu’elles sont en réalité. Défendre et protéger son pays au prix de sa vie est un acte noble. Mais le sang appelle le sang, et j’ai du mal à entrevoir une résolution quelconque dans la guerre.

Cet avis est sans aucun doute partagé par une majorité de gens. Mais la double perspective de ce texte est troublante, pour le soldat comme pour les civils innocents. La répétition de la dernière phrase, Set them free, qui est aussi le titre du morceau, pourrait tout aussi bien s’adresser à lui et à eux, pour les libérer de leurs idéologies respectives, non ?

Je passe beaucoup de temps à écrire mes textes. C’est pour cette raison que je souhaitais les mettre en ligne sur le site du groupe, comme tu l’as rappelé justement tout à l’heure. Je suis pour accompagner l’auditeur dans la bonne perception du message de chacune de nos chansons, et ce, même si elles sont écrites et chantées en anglais. Ton interprétation est tout à fait juste, et le soldat se retrouve finalement enfermé en lui-même à la suite de sa prise de conscience.

Y’a-t-il un évènement en particulier qui t’a poussé à écrire cette chanson ?

Oui. Il s’agit du bombardement d’une école en août 2014 à Rafah dans la bande de Gaza. Au-delà du conflit lié à ces territoires, c’est l’inhumanité de la guerre tout comme celle des gens qui décident de la faire qui m’ont poussée à m’interroger sur ces soldats.

« J’ai beaucoup de sympathie pour Mr. Jekyll qui est un être un peu naïf au fond »

 

Dans Mr. Jekyll, tu t’appropries le personnage de Robert Louis Stevenson, en l’occurrence Docteur Jekyll, doué d’une double personnalité dont la seconde facette est Mr. Hyde, meurtrier en série. Quel était ton but en mélangeant ainsi les noms de ces deux personnages pour n’en faire qu’un seul ?

Il s’agit d’un morceau introspectif. Je parle de moi ainsi que des vilains démons qui peuvent parfois me hanter. Je me retrouvais un peu dans ce personnage de fiction, je souhaitais par là lui faire comprendre ses sentiments contraires et l’utiliser pour me permettre de m’exprimer par la symbolique, la métaphore, tout en ménageant ma réserve. J’ai beaucoup de sympathie pour Mr. Jekyll qui est un être un peu naïf au fond. Il s’agit aussi de schizophrénie bien sûr, de cette sensation de tout diviser, subdiviser, tous les jours. Pour le reste, j’aime aussi que chacun puisse se faire sa propre opinion sans que je ne sois dans cette perspective permanente de donner toutes les clés.

Enfin, le troisième morceau de votre premier EP intitulé Again, m’a également beaucoup plu. À qui pensais-tu lorsque tu l’as écrit ?

Cette chanson est dédiée à une personne de ma famille qui a perdu l’usage de ses jambes et de la parole suite à un accident. Autrement dit, une partie de sa vie, une partie d’elle-même. J’ai écrit cette chanson deux jours après avoir appris son accident. Je voulais lui redonner la force et l’espoir en la rassurant.

François Vulliet, le bassiste de Pandra Vox, se trouve donc être également celui de No Random, que Skriber a eu la chance d’interviewer en octobre dernier. Peut-on compter sur un live et/ou un album réunissant les deux groupes ?

C’est une question que nous ne nous sommes pas du tout posée. De plus, j’ai du mal à me projeter ainsi dans les projets des autres, dans le sens où j’aurais peine à m’incruster chez eux tout autant qu’à sortir de mon monde. Mais j’apprécie beaucoup le son de No Random. Une collaboration sur un morceau peut être envisageable même si elle n’a jamais été évoquée pour le moment.

Merci Pandra. On retrouve Pandra Vox le 12 mars prochain à Paris au Supersonic, ainsi que toute l’actu du groupe sur votre site officiel et votre page Facebook©. Que vos Muses poursuivent leur folle ronde autour des quatre têtes de cette hydre emportée par la voix d’une sirène : très bonne continuation à vous tous !

 

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