Six ans après lui avoir confié le premier rôle dans Un homme idéal, Yann Gozlan place à nouveau Pierre Niney en tête d’affiche de Boîte Noire. Long métrage sorti en septembre dernier dans les salles, ce thriller français a tout d’un grand. Grâce, entre autres, à un scénario précisément mené.
Le vol Dubaï-Paris de la compagnie European Airlines vient de se crasher dans les Alpes. À bord : 300 passagers et 16 membres d’équipage et aucun survivant. Le bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) dépêche immédiatement deux de ses agents. D’une part, Victor Pollock (Olivier Rabourdin), l’un des enquêteurs seniors de la boîte. D’autre part, Balsan (Guillaume Marquet). Le choix de cet enquêteur junior laisse Matthieu Vasseur (Pierre Niney) pantois. D’habitude, c’est lui que Victor prend avec lui pour ce type de mission. Une mission d’envergure en l’espèce, qui met déjà Matthieu dans tous ces états. Lui, l’acousticien perfectionniste ultrasensible, qui ne cesse d’entendre tout ce que les autres ne perçoivent jamais, ne comprend pas le choix de son supérieur.
La boîte noire est retrouvée quelques heures plus tard parmi les restes éparpillés de l’appareil. Elle est ramenée sous bonne garde à la BEA pour être ouverte et analysée par Victor et Balsan. Matthieu rentre chez lui dépité. Il voulait tellement participer à cette enquête ! Au détour d’une soirée qui rassemble les anciens élèves de l’École Centrale, il confie sa déception à sa femme Noémie (Lou de Laâge), elle aussi dans l’aéronautique. Puis à Xavier (Sébastien Pouderoux), l’un de ses proches amis, à la tête de Pegasus. Cette société de premier plan sécurise les connectiques réseaux et les systèmes informatiques embarqués dans les avions.
Au lendemain de cette soirée, Matthieu est convoqué dans le bureau du boss de la BEA (André Dussollier). Celui-ci lui apprend que Pollock manque à l’appel depuis la veille avant de lui confier finalement l’affaire du crash. Si la satisfaction de Matthieu est palpable, les questions s’enchaînent déjà intérieurement. Comment un appareil aussi récent, n’ayant jamais subi de dysfonctionnements même mineurs, a-t-il pu se crasher ainsi ? Pourquoi Matthieu ne réussit-il pas à se contenter de l’histoire que lui raconte les bandes de la boîte noire retrouvée sur place ? Et où Pollock a-t-il bien pu aller dans un moment pareil ?
Boîte noire : des suspicions jusqu’au bout
Et c’est bien sur ce point que se joue toute la qualité du film. Ceci étant dit, que pourrait-on attendre d’autre de la part d’un thriller digne de ce nom ? On suppose que les différents coscénaristes à l’origine de cette histoire se sont posé la même question. Aux côtés de Jérémie Guez, Simon Moutaïrou et Nicolas Bouvet, Yann Gozlan fait des merveilles. Et au-delà de tenir la plume à huit mains, il initie une intrigue désireuse de se connecter à notre époque par bien des aspects. Entre autres, à travers les conflits d’intérêts existant dans l’ombre entre les compagnies privées du film, en mal de nouveaux marchés, et les entités publiques régulatrices.
Virevoltant dans les mêmes « hautes » sphères, celles des grands décisionnaires de notre monde, les personnages de Boîte noire exposent certaines problématiques de notre temps. Par exemple, le remplacement à venir des pilotes par les machines et l’IA. Tout comme ils se heurtent à la révélation de trop (qui ne vient pas des médias de masse), nourrie elle-même par la certitude de trop. On ne récolte que ce que l’on a semé… Au petit jeu des dictons populaires, Yann Gozlan met dans le mille quand sa mise en scène renforce son approche. Le casting est suffisamment pensé pour la servir. On peut regretter un manque de profondeur dans l’interprétation de Pierre Niney. Néanmoins, on ne peut que souligner son flair pour les scénarios qui valent le détour et grâce auxquels il tire son épingle du jeu. Une fois de plus avec Boîte noire.