Valérie Donzelli réalisatrice, ce sont déjà plusieurs films, mais un seul qui marqua véritablement et durablement les esprits. En l’occurrence, La guerre est déclarée, sorti en 2010. Treize ans plus tard, il se pourrait bien que L’amour et les forêts, disponible depuis fin octobre en Blu-Ray, DVD et VOD, devienne le second. On y retrouve un casting de choix, en partie inattendu, avec à sa tête un duo d’acteurs incroyables, formé par Virginie Efira et Melvil Poupaud.
Blanche et Rose (Virginie Efira) ont beau être jumelles, elles ont leur propre appréhension de la vie et du quotidien. On pourrait croire au premier abord que la première est plus réservée que la seconde. En réalité, les deux partagent une pudeur similaire vis-à-vis de leurs propres émotions ainsi qu’à l’égard de celles de l’autre, des autres. Blanche se remet difficilement de sa précédente histoire d’amour. Rose veut qu’elle s’en console, qu’elle tourne la page. Un soir, elle l’encourage à la suivre à une petite sauterie organisée dans une maison au bord de la mer. Elle veut lui présenter quelqu’un. Un homme, qui sera peut-être le bon. Mais c’est finalement un autre qui se présente à elle.
Greg (Melvil Poupaud) est un ancien camarade de classe qui a bien changé. Blanche peine à le remettre. Malgré tout, elle ne tarde pas à reconnaître son aplomb. Il ne la veut rien que pour lui, et après une brève hésitation, elle se laisse séduire. L’alchimie opère, leur amour semble être une évidence. Mais le piège est déjà en train de se refermer sur elle et sur eux. Leur départ pour Metz, loin de la Normandie natale de Blanche, va précipiter cette dernière dans un véritable enfer. Pourtant, une autre existence est possible. Elle se révèle à elle au fond des bois, à l’abri du chaos et de la violence de leur amour. Quel sentier Blanche décidera-t-elle de suivre ?
L’amour et les forêts : un film marquant car loin d’être évident
Adapté librement du roman d’Éric Reinhardt par Valérie Donzelli et sa co-scénariste Audrey Diwan, le film L’amour et les forêts dévoile les affres d’une relation de couple malsaine. Le personnage de Greg y exprime un désir de possession extrême à l’égard de Blanche. Cette dernière ne voit pas le mal arriver à temps, et ce malgré ses premières réticences que le spectateur perçoit nettement dès sa première rencontre avec Greg. Résultat : elle se retrouve confrontée non seulement à la violence journalière de celui-ci. Qui plus est, à celle liée à l’échec de son mariage, à la fin d’une vie de famille avec leurs enfants qu’elle voulait heureuse. Enfin, à la résurgence de sa profonde solitude, aussi douloureuse, si ce n’est plus, que l’acharnement psychologique et les humiliations répétées de son époux.
L’amour et les forêts est un film marquant pour plusieurs raisons. D’une part, il ne cherche pas à schématiser les violences intra-conjuguales pas plus qu’il ne les survole. En revanche, il en donne un certain nombre de signes qui doivent tout autant alerter ceux qui en sont victimes en premier lieu, que ceux qui connaissent bien et/ou qui entourent ces dernières. D’autre part, le film interroge le statut de celui/celle qui en est le principal instigateur. Peut-il vraiment être considéré à son tour telle la victime de sa maladie ? Ou doit-il être tenu pleinement responsable de la situation, peu importe qu’il soit conscient, ou pas, de ses actes ?
Enfin, L’amour et les forêts questionne l’amour lui-même. Peut-il être seulement un sentiment, un accomplissement ? Un don de soi sans rien attendre en retour ? Une autre façon de tromper sa propre solitude ? Ou plutôt la compréhension, sans retenue, de tout ce qui fonde l’identité, la raison, les émotions et la liberté de l’être aimé ? Si les quelques heures de Blanche passées dans les bras de David (Bertrand Belin) donnent certains éléments de réponse à ces questions, elles initient aussi son réveil. Et le début d’une longue lutte pour Blanche. « Une guerre », comme la décrit le personnage de son avocate (Dominique Reymond) dans le film, pour reconquérir ses territoires bafoués. Pour revivre.