Odette Toulemonde est le premier long métrage que réalisa Éric-Emmanuel Schmitt en 2006. Il aborde avec beaucoup d’humilité la notion de problème, la manière dont il est ressenti et géré. Cette façon qu’il a aussi de distinguer les gens entre eux. Pour certains, le problème est un tracas. Pour d’autres, il peut signifier la fin d’une vie. Mais pour Odette Toulemonde, le problème n’existe tout simplement pas.
Odette Toulemonde (Catherine Frot) travaille à la parfumerie d’une grande galerie commerciale. Elle a élevé seule ses deux enfants depuis la mort de son mari et vit dans un appartement en banlieue avec eux. Elle occupe ses soirées à tisser des plumes sur des coiffes de danseuses pour arrondir ses fins de mois et à lire Balthazar Balsan (Albert Dupontel), un romancier pour lequel elle éprouve une profonde admiration teintée de sentiments amoureux inconscients. Le destin va les rassembler une première fois durant une séance de dédicaces pour laquelle Odette Toulemonde s’est préparée comme pour un baptême. Son émotion est telle qu’elle reste muette face à l’auteur. Sa tristesse n’en est que plus profonde les instants d’après. Odette Toulemonde s’en veut, regrette, se lamente, et trouve refuge une fois de plus dans la lecture du dernier roman de l’écrivain, la kidnappant pour finalement la faire s’envoler.
Désirant plus que tout effacer cet instant de grande faiblesse, elle décide de se rendre à une seconde séance de dédicaces. Balthazar Balsan, torturé par les critiques sarcastiques de son éternel rival Olaf Pims (Jacques Weber) et le départ de sa femme, survole cette seconde rencontre sans porter attention à sa plus grande lectrice. Pourtant, Odette Toulemonde a retrouvé la parole, et réussit même à lui remettre une lettre écrite avec son cœur. Ses mots couchés sur le papier parviendront-ils jusqu’à leur destinataire ?
Odette Toulemonde : accueillir sans se perdre
Comédie romantique empreinte d’une analyse sociétale sans artifice, Odette Toulemonde charme par cet aspect très ancré dans une réalité parfois étouffante capable d’évoluer en quelques secondes vers ces rêves transportant quiconque demeure ouvert à eux. Le problème n’en est plus un dès lors que le sourire d’Odette Toulemonde se fait jour, sans rougir, aux yeux de tous. Après tout, quelle honte y’aurait-il à espérer et à croire secrètement en l’autre ?
C’est justement ce qui fait toute l’identité d’Odette Toulemonde, interprétée avec tact par Catherine Frot, que ce soit en marchant dans les rues de la ville, dans celles des nuages, qu’en dansant sur les airs endiablés de Joséphine Baker. Là où elle passe, le problème trépasse comme par magie, à ceci près que cette considération des choses suggère avant tout une sagesse tannée dans l’adversité d’un quotidien ramenant à l’essentiel.
Le bon grain et l’ivraie
Ainsi, la bulle de l’artiste incompris emprisonné dans une crise existentielle morbide éclate. Les projections deviennent autant de révélations heurtant son âme hermétique depuis trop d’années au bonheur. Si seulement il suffisait d’une baguette magique pour que cet enchantement soit accessible à tous, n’importe où, d’un claquement de doigts !
Mais le spectateur conviendra grâce au seul sourire d’Odette Toulemonde que le bonheur, s’il est à la portée de tous, est un long cheminement pavé de bonnes intentions comme autant de mauvais prétextes pour s’en détourner si facilement. Si la patience vis-à-vis de l’autre est nécessaire, celle vis-à-vis de soi est déterminante. Jusqu’à ces mots qui réchauffent le cœur et qui délivrent parce qu’ils affirment, enfin, qu’elle n’avait en fait jamais été vaine.