Cinq histoires et plusieurs vies qui finissent par se croiser dans l’immensité des données déversées sur le monde entier. Tel pourrait être l’autre synopsis de Selfie sorti hier dans les salles. Une satire des mœurs numériques façon « French Black Mirror » qui cherche néanmoins à ménager les esprits récalcitrants.
Selfie. Stéphanie (Blanche Gardin) et Fred (Maxence Tual) qui deviennent des influenceurs notoires en filmant leur fils Lucas (Thomas Cotinière) atteint d’une grave maladie. Bettina (Elsa Zylberstein), une auteure anonyme excédée, qui donne des leçons de français et de littérature à Toon (Max Boublil), une star des réseaux sociaux, adulée par les jeunes, qui n’a pas le Bac. Florian (Finnegan Oldfield) qui paye pour avoir la meilleure note sur une appli de rencontres et conquérir la femme de ses rêves, au grand dam d’Emma (Fanny Sidney). Romain (Manu Payet) qui entrevoit dans l’algorithme d’un site e-commerce les voies impénétrables du Seigneur. Les convives d’un mariage qui, au lieu de prendre leurs distances avec le monde numérique le temps d’une journée, finissent par prendre l’eau.
Quel point commun entre tous ces personnages ? La virtualité. Tellement vraie qu’ils finiraient par croire qu’elle est réelle. Entre existences romancées et illusions perdues, les scènes qui se succèdent témoignent d’une prise en main bien étrange d’outils digitaux qui le sont finalement tout autant. Censés métamorphoser leur quotidien, l’utilisation journalière que les personnages en font les mène à se confronter à eux-mêmes. Qu’ils le veuillent ou non. Et ce, jusqu’à ce que les lignes se croisent. Jusqu’à une crise de folie collective à quelques kilomètres au large, à deux doigts de dire oui à l’inconnu bel et bien organique.
Selfie : satire d’un monde connu à l’avance
Au-delà de la longueur d’un bras et de cette main s’accrochant à une technologie devenue son prolongement, un nouveau monde s’offre à chacun. Il n’est pas si éloigné que cela dans le temps. Malgré tout, le chemin à parcourir pour le (re)trouver repose sur un cheminement personnel. Celui-ci nécessite une prise de conscience pour être initié. D’une certaine manière, c’est ce que tentent de réaliser Tristan Aurouet, Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Cyril Gelblat et Vianney Lebasque au-delà de Selfie.
Le film est porté par un casting de choix. Blanche Gardin y livre sans conteste une véritable performance. Tout est dans le ton, les regards. Ses nuances matérialisent les combats intérieurs inconscients de son personnage, égaré entre devoir d’aimer et désir d’être aimé de tous. L’approche tutoie l’intime, celui de l’être. Il se dissimule derrière un paraître et un avoir compliqués à distinguer pour beaucoup à l’heure actuelle. Par conséquent, si Selfie nous fait rire, on rit parfois jaune. Et dans l’hypothèse tout à fait vraisemblable d’un « Smileaks », on espère, on s’interroge, on se rend à l’évidence tout à la fois.