Les nez inspirent et passionnent, notamment le monde du cinéma. Après Le Parfum, l’histoire du génie meurtrier contée en 2006 par Tom Tykwer, c’est au tour du réalisateur Grégory Magne de s’attacher à retranscrire un certain quotidien de ces amoureux d’essences. Et ce, à travers Les parfums d’un monde plus que jamais en quête de lui-même.
Guillaume Favre (Grégory Montel) est un homme un peu désabusé. Fraîchement divorcé, il est le père de la jeune Léa (Zélie Rixhon) pour laquelle il souhaite obtenir la garde partagée. Oui mais voilà : son contrat de travail en tant que chauffeur privé n’est pas un CDI. Et sans CDI, difficile de trouver un autre appartement que le petit 24 m² qu’il occupe actuellement. Trop petit, donc, pour accueillir sa fille. C’est alors qu’il est missionné pour conduire une nouvelle cliente. Une certaine Anne Walberg (Emmanuelle Devos) dont il ignore tout, y compris les parfums. Sa première course avec elle ne se déroule pas comme prévu. La communication entre les deux protagonistes est franchement difficile. De plus, la cliente n’hésite pas à user de n’importe quel stratagème pour abuser de sa position.
Guillaume ne se laisse pas faire. Il repart à la fin de sa journée en n’omettant pas de dire ses quatre vérités à Madame Walberg. Le lendemain, son patron l’informe que sa cliente de la veille souhaite qu’il devienne son chauffeur attitré. Surpris, celui-ci s’exécute et se rend à nouveau au domicile d’Anne. Dès lors, leur relation prend un tournant inattendu. L’offense cède sa place aux confidences. En outre, Guillaume pénètre dans l’intimité d’une femme meurtrie par un passé professionnel douloureux. Une femme seule depuis des années, s’enfermant chez elle de peur de perdre son nez. Derrière les fragrances qu’elle crée, qu’elle reconnaît sur la peau des autres, un lourd fardeau se dissimule. Il l’aveugle et lui a fait perdre pied ainsi que le respect d’elle-même. L’arrivée du Guillaume dans sa vie va chambouler bien des choses. Tout comme la sienne dans l’existence de l’homme.
Les parfums : le flair des choses simples
L’air de rien, en écho au titre de son dernier film sorti fin 2012, Grégory Magne réussit à capturer dans Les parfums la quintessence de ce qu’est la passion. La passion de la création, le métier passion. Celle qui vous dévore les entrailles, qui régente toute votre vie. Mais aussi et surtout, celle qui assure un équilibre intérieur fragile, entre savoir-faire profondément incarné et angoisse qu’il disparaisse. Dans cette optique, l’autre offre une multitude d’opportunités pour le consolider, le préserver et le vivre différemment. Le personnage interprété par Emmanuelle Devos le comprend au fur et à mesure, grâce à cette rencontre fortuite avec un chauffeur privé. Qui se révèle à son tour et à lui-même.
Ainsi, Les parfums diffuse un récit qui, malgré quelques longueurs, finit par enivrer le spectateur. Au-delà de la confrontation de deux classes sociales bien distinctes et des premières suffisances de l’un à l’égard de l’autre, le duo improbable qui se forme sous nos yeux procure des envies d’être. La justesse d’Emmanuelle Devos, une fois n’est pas coutume, fascine. La performance de Grégory Montel (L’air de rien, Dix pour cent, Les chatouilles) dénote par sa sincérité. Et c’est le sourire aux lèvres que l’on ressort de cette salle de cinéma tant regrettée ces dernières semaines. L’esprit léger, resté sur cette plage de Normandie d’une fillette et de son père. Le cœur rassuré, devant cette porte menant chez Dior. L’imaginaire, à nouveau bercé par des images qui nous parlent. Par une histoire de cinéma, comme si elle était vraie.