Il y a une intelligence émotionnelle chez Bruno Major qui ne peut laisser indifférent. Une intuition du verbe, aussi, en rapport avec des influences du monde, tout court. Tout fragile. Tout simple. Parfois lumineux, parfois bien cruel. Après la sortie fin août de A Song For Every Moon, un album reprenant notamment ses singles parus depuis 2016, Bruno Major est parti en tournée. Elle passera la semaine prochaine par Paris au Pop Up du Label.
Bonjour Bruno Major, et merci d’avoir accepté cette interview. On sait finalement très peu de choses sur ton enfance, sur la manière dont tu as embrassé la voie musicale. Quel genre de quotidien un jeune garçon originaire du Nord de Londres tel que toi pouvait-il avoir ?
Bruno Major : Ma mère est Française et j’ai grandi avec son excellente cuisine ! J’ai passé mon enfance à Northampton, à la campagne. Je n’ai déménagé en ville que lorsque j’ai eu l’âge de partir de chez moi. J’ai vécu cette transition comme un choc culturel : j’ai en effet été confronté à de multiples choses nouvelles simultanément. Et je ne crois pas que cela soit une coïncidence si je me suis mis à écrire des chansons justement à ce moment-là.
Quel est le souvenir le plus intense connecté à tes tous premières amours avec la musique que tu as gardé en mémoire ?
Bruno Major : Je me souviens d’un moment en particulier, dans la voiture de mon père. Il conduisait et je regardais par la vitre. Mais j’étais encore si petit que je pouvais seulement apercevoir les toits des immeubles. Puis j’ai entendu une chanson : il s’agissait d’un titre des Beatles, Come Together. Je me rappelle exactement de la façon dont la musique résonnait, du rythme initié par la batterie, du SHHHOO soufflé par Paul McCartney. Mon père ce jour-là m’a acheté le sixième album du groupe, Rubber Soul. Il s’ajouta à ma petite collection constituée d’un CD de guitare classique et de Tubular Bells, un album que j’ai passé des nuits à écouter.
« Les meilleures chansons arrivent lorsque je ne pense à rien du tout. Ces chansons sont des cadeaux. Elles s’écrivent plus que je ne les écris. »
A Song For Every Moon est sorti fin août : il rassemble tes singles parus depuis 2016. Tu as récemment évoqué les origines de ce premier album, connectées à ton expérience de mort imminente sous diméthyltryptamine (DMT), un psychotrope puissant, dont tu fis usage à Los Angeles. Cela signifie-t-il pour toi que la créativité ne puisse s’exprimer entièrement que par le biais des drogues ?
Bruno Major : Je crois que le premier rôle de l’esprit humain est d’assurer la survie de notre corps. Ainsi, toute information qui n’est pas suffisamment pertinente pour garantir la bonne exécution de cette tâche est ignorée. Par conséquent, notre esprit bloque plus d’informations qu’il n’en ingère. Bien que nous soyons les créatures les plus intelligentes sur la planète, nous demeurons des formes de vie primitives. Il y a tellement plus de choses autour de nous que nous n’expérimentons jamais. Grâce à la méditation et à certaines substances, tu peux atteindre bien plus d’informations (ndlr : la réponse de Bruno Major n’engage que lui. La consommation de stupéfiants est dangereuse pour la santé, et illégale dans la majorité des pays de monde, notamment en France).
Quels sont les éléments qui constituent ton intériorité lorsque tu écris et que tu composes tes chansons ?
Bruno Major : Je réfléchis aux mélodies, aux mots, aux émotions, aux sensations liées à certains accords. J’entrevois la façon de partager ces chansons sur scène et ce qu’il s’en dégagera. Parfois j’affronte l’insécurité, à d’autres moments, je me laisse emporter. Les meilleures chansons arrivent lorsque je ne pense à rien du tout. Ces chansons sont des cadeaux. Elles s’écrivent plus que je ne les écris.
Une fois, tu as déclaré que « chacun devait apprendre à aimer les imperfections ». Que certains de tes albums favoris, à l’instar de ceux de Bob Dylan et Nick Drake, comportaient des erreurs, et que c’étaient ces erreurs qui faisaient d’eux des albums singuliers. De quel genre d’imperfections parlais-tu au juste ?
Bruno Major : Beaucoup de musiques sont désormais produites de façon à être parfaites. Nous disposons de toutes les fonctionnalités pour ce faire dans nos ordinateurs portables. Tout est parfaitement accordé, coordonné dans le temps des grilles d’écoute. Les chants sont parfaitement arrangés pour s’adapter parfaitement aux instrus. Mais au final, la musique a disparu.
C’est un peu la même chose qu’avec les couvertures des magazines people, et ces mannequins photoshoppés jusqu’à la perfection. Mais la vie est loin d’être parfaite ! Elle ne ressemble pas à Photoshop et ne résonne pas comme avec Auto-Tune ! Ainsi, lorsque j’évoque les imperfections dans le musique de Bob Dylan, il s’agit plutôt pour moi de parler de l’art aussi imparfait et réel que le monde qu’il décrit.
Bruno Major : Site officiel