Anna Hauss est une songwriter berlinoise qui a fait sa place en solo dans le monde de la scène indé après plusieurs années passées à tourner avec son ancien groupe Still in the Woods. Elle sortira à la rentrée son premier album How Long is Now. Rencontre avec une artiste à la fois sensible et pudique, tournée vers un avenir qu’elle aimerait déjà étreindre.
Bonjour Anna et merci d’avoir accepté cette interview. Pourrais-tu commencer par nous décrire ce moment spécial durant lequel tu t’es dit que la musique était faite pour toi ?
Anna Hauss : J’avais onze ans et je rentrais chez moi après un concours de chant à l’école. C’était ma première année de lycée. Je venais de gagner le deuxième prix : c’était incroyable pour moi car je ne m’attendais pas à ce que ça se produise. Peu de temps après, j’ai écrit ma première chanson. C’est arrivé très naturellement. C’était comme ma façon de communiquer un monde intérieur.
Qu’écoutais-tu chez toi avec tes parents ?
Anna Hauss : Je me souviens que Maman était fan de Carlos Santana. Sa cassette était la seule que nous écoutions lorsque nous étions en Finlande au début de l’été. Cela me rappelle cette époque à chaque fois que je l’écoute de nouveau. Ça n’a pas eu une grande influence sur ma musique, mais c’est un agréable souvenir d’enfance. Elle aimait aussi beaucoup Lauryn Hill. D’ailleurs, elle me jouait Can’t take my eyes off of you lors de mon anniversaire. The Miseducation of Lauryn Hill a eu une grande influence sur mon chant. Enfin, il y a avait Devendra Banhart. Ma mère trouvait certaines de ses chansons exceptionnelles, comme Feel just like a child. J’aime aussi la légèreté qu’il adopte dans ce titre. Cela m’a parfois poussé à avoir une approche plus expérimentale avec ma voix.
Quant à mon père, l’album Spirit in the dark d’Aretha Franklin a été le premier CD qu’il m’ait offert. Je l’écoutais souvent et nous parlions ensemble de l’honnêteté de ses sentiments lorsqu’elle chantait. Quand il écoutait sa musique au travail, mon père adorait aussi Miles Davis. Entre autres, son album Bitches Brew. Celui-ci m’a permis de m’ouvrir au jazz en parallèle d’autres artistes. Pour finir, je me souviens du moment où j’ai écouté Some Kind of Wonderful de Joss Stone avec mon père pour la toute première fois. Il s’était mis à pleurer. Je souhaitais le faire pleurer aussi avec mon chant. C’est arrivé plus tard.
De quel artiste du passé aurais-tu aimé vivre la vie et pourquoi ?
Anna Hauss : Je pense à certains événements artistiques que je trouve passionnants et durant lesquels j’aurais aimé être là. Par exemple, Patti Smith au Chelsea Hotel, ou bien encore, Joan Baez au Newport Folk Festival.
Quels sont les trois enseignements majeurs que tu as précieusement retenus de tes études de jazz au Conservatoire de Leipzig pour ton parcours professionnel et ta vie privée ?
Anna Hauss : D’abord, que je ne suis pas une artiste qui peut tout faire, qu’il vaut mieux que je me concentre sur ma propre musique. Ensuite, qu’il faut beaucoup de patience et de persévérance pour mener à bien une carrière musicale. Finalement, qu’il est important de se soutenir au sein du groupe, de l’équipe, sans trop se comparer aux autres.
En parlant de groupe, quel est ce souvenir de ton ancienne formation Still in the Woods que tu n’as jamais partagé jusque-là et que tu n’oublieras jamais ?
Anna Hauss : Il y a beaucoup de choses sur nous, en tant qu’amis et partenaires, que je n’ai jamais partagées avec le public parce que c’était trop personnel. Parfois, nous montions sur scène après une bagarre, mais aussi après avoir vécu les meilleurs moments. Je garde beaucoup de cela à l’esprit tout comme la manière dont cela a affecté les concerts. Une manière que personne d’autre que nous ne connaît.
“Partager ses idées en fait naître de nouvelles. Et cela a toujours été un enrichissement pour moi de finir des chansons ensemble.”
Quelles sont les deux grandes différences que tu fais entre l’écriture de chansons en groupe et en solo ?
Anna Hauss : En réalité, cela peut être très similaire, surtout en ce qui concerne les idées avant tout intuitives. Mais lorsqu’il s’agit de compositions plus construites, il peut s’agir davantage de trouver des correspondances entre les personnes impliquées. Lorsque tu écris par (et pour) toi-même, c’est plutôt à toi de décider comment la chanson sonnera à la fin. Mais même là, je préfère la collaboration avec les autres. Car au bout du compte, partager ses idées en fait naître de nouvelles. Et cela a toujours été un enrichissement pour moi de finir des chansons ensemble.
Sur ton site, tu mets en avant le titre que tu as composé pour la série Netflix The Queen’s Gambit. Peut-on parler d’un tournant décisif dans ta carrière d’artiste indépendante ? Ou existe-t-il un autre moment plus significatif pour expliquer ta notoriété grandissante, au-delà de ton talent bien sûr ?
Anna Hauss : La sortie du titre I Can’t Remember Love a été un tournant dans ma carrière, absolument. Tout d’un coup, beaucoup de gens dans le monde ont entendu une de mes chansons. C’était à la fois fou et vraiment nouveau pour moi. Cependant, ce titre que j’ai composé et écrit pour la série ne reflète pas exactement le genre de musique que je fais maintenant. Par conséquent, c’est comme si je devais reconquérir mon public avec le prochain album.
What’s next, ton deuxième EP paru en janvier dernier, annonce la sortie d’un premier album, How Long is Now, le 29 septembre 2023. Dans quelles circonstances l’as-tu conçu ? Et dans quelles autres imagines-tu sa révélation au public et son évolution au fil des prochains mois ?
Anna Hauss : L’album How Long is Now a été écrit durant une phase de profonds bouleversements. C’est mon travail le plus personnel jusqu’à présent et le premier album qui sortira officiellement sous mon nom. Pour moi, un nouveau chapitre commence avec lui. De plus, je me suis redécouverte au cours du processus de création. J’ai travaillé en étroite collaboration avec Alex Binder (mon producteur) et mon groupe pour le façonner sur le plan musical. Tout ce que j’espère, c’est que les gens pourront s’y connecter ainsi qu’aux textes.
Nous avons adoré tes deux derniers singles. Jump rappelle les premiers élans pop de Sia en solo, mais aussi avec le groupe Zero 7. Quant à Balance, on perçoit ton intention de mettre en avant une certaine forme d’insatisfaction permanente. Selon toi, que révèle cette insatisfaction sur les individus qui la vivent ?
Anna Hauss : Merci ! Pour être honnête, Balance est plus une chanson personnelle qui décrit le sentiment de vouloir déjà être dans le moment suivant. Mon album parle du “maintenant” incluant toutes ses facettes. Malgré tout, c’est très intéressant d’y lire aussi cette insatisfaction permanente dans la société. Et je crois que les gens qui m’entourent ont toujours une grande influence sur moi, et donc, sur ma musique.
Été oblige, dernière question de circonstance : quelle est cette chanson que tu as toujours aimé écouter sur la plage au coucher du soleil ?
Anna Hauss : Midnight Sun de Nilüfer Yanya. Je trouve cette chanson intense, puissante. Et même si j’en ai plusieurs autres qui me viennent en tête, c’est souvent une question d’humeur dans ces moments-là aussi.
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