On pourrait les croire sortis de leur coquille, pourtant, Clémentine et Benjamin exercent leurs plumes, leurs doigts et leurs voix depuis déjà quelques années. Leur histoire est celle qu’ils écrivent désormais à quatre mains à travers l’identité de leur essentiel portant le nom de June Island. Une invitation à monter à bord de leur zodiac en partance pour leur île où nuit et jour ne font plus qu’un.
Bonjour Clémentine Jane et Benjamin Geffen, merci d’avoir accepté cette interview. Vous avez lancé en 2015 votre duo June Island puis sorti le 12 mai dernier votre premier EP intitulé Wild and free. Vous êtes originaires de Lyon. Vous composez une pop alternative faisant rimer folk fraîche et années 70. Quel âge avez-vous et dans quelles circonstances vous êtes-vous rencontrés ?
Benjamin Geffen : Bonjour Florian, merci à toi également. Je viens d’avoir 24 ans.
Clémentine Jane : Quant à moi, j’ai 26 ans.
Benjamin Geffen : Notre rencontre a eu lieu grâce à certaines amitiés que nous avions en commun, notamment dans le milieu lyonnais de la musique. Clémentine organise chez elle des soirées « canapé » avec des musiciens. L’idée, c’est que chacun d’entre eux interprète à tour de rôle des compositions et des reprises. C’est ainsi que je fus un jour invité à participer à l’une de ces soirées.
Clémentine Jane : Le milieu de la musique ici à Lyon est un petit monde. J’organise ces soirées « canapé » depuis deux ans. Le cercle dont je fais partie s’est constitué au fil des années et m’a fait rencontrer de plus en plus d’artistes. De belles histoires d’amitié et de musique naissent de ces partages. Parfois, il y a des coups de cœur. Ce fut le cas avec Ben. J’avais déjà eu l’occasion de le croiser par l’intermédiaire de Pierre-Olivier Silva, qui a finalement rejoint June Island en tant que bassiste tout comme David Fanfare à la batterie. Dès le départ, Ben et moi nous sommes reconnus musicalement. Je me suis très vite intéressé à ses différents projets, j’allais le voir régulièrement à ses concerts.
Benjamin Geffen : Notre amitié s’est construite très vite. Notre relation aujourd’hui est celle liant un frère et une sœur. Il n’y a pas eu de déclic à proprement dit, disons que notre passion commune pour la musique ainsi que le respect et l’admiration de nous portions l’un et l’autre à ce que nous faisions dans ce domaine ont fait de notre rencontre une évidence.
Que faisiez-vous avant de vous lancer complètement dans la musique ?
Clémentine Jane : Je me suis un peu cherchée après mon Bac. Je suis allée à l’université de l’art du spectacle, puis j’ai débuté un cursus en musicologie. J’ai aussi suivi une formation sur deux ans pour devenir musicienne intervenante pour enseigner la musique aux enfants : j’avais dans l’esprit d’assurer mes arrières pour l’avenir. J’ai ainsi fait ce métier pendant un an jusqu’à ce que j’obtienne mon statut d’intermittent. J’ai depuis toujours une détermination sans limite pour faire ma place en tant qu’auteure, compositrice et interprète. Cela fait quatre ans que je m’y suis mise sérieusement en écrivant mes propres chansons et en me produisant sur scène à travers un premier projet solo. Les musiciens qui m’accompagnaient se succédaient. June Island est mon premier groupe.
Benjamin Geffen : Pour ma part, j’ai commencé très tôt à faire de la musique. À treize ans, je faisais déjà partie de mon premier groupe constitué avec des amis. J’ai par la suite fait partie d’autres projets au sein de différents groupes. Ma scolarité a été un peu chaotique : j’avais commencé après le Bac une licence en musique étude. Je suivais le matin des cours de gestion administrative dédiée aux métiers de la culture. Les après-midis étaient quant à eux consacrés à la musique. Au bout d’un an, j’ai arrêté mon cursus : selon mes professeurs, je faisais trop de musique. Selon moi, je n’en faisais pas assez. J’ai obtenu mon statut d’intermittent dans la foulée et je ne fais plus que de la musique depuis quatre ans. June Island est aujourd’hui ma priorité.
Au-delà d’être le nom de votre projet, June Island est aussi celui d’une île de l’Antarctique. Votre choix est-il seulement marketing ou existe-t-il une anecdote particulière qui puisse l’expliquer ?
Benjamin Geffen : En fait, nous avons découvert cette information après avoir choisi le nom du groupe. June Island souligne le côté solaire du groupe, une musique qui fait du bien, par le biais du mot June. Quant à Island, il évoque une certaine forme de mélancolie, l’isolement induit dans la perspective de l’île.
Clémentine Jane : La double métaphore liée au début de l’été et à l’île nous a tout de suite parlé. La combinaison de ces deux images révèle notre complémentarité. Souvent, les gens disent que Ben est la nuit du jour que je suis. La lune de soleil que j’incarne dans June Island. Avec cette île qui fait malgré tout partie d’un tout même si elle est éloignée du continent.
De David Bowie à Sufjan Stevens, en passant par Alex Turner et Damon Albarn, vos influences musicales sont plurielles. D’autres peuvent s’ajouter à cette liste à l’écoute de Wild and Free, nous le verrons tout à l’heure. Si vous deviez vous définir à travers une seule chanson, laquelle serait-elle et pourquoi ?
Benjamin Geffen : Moi je dirais All you need is love des Beatles. J’admire ce groupe et ses compositions, notamment celle-ci qui est magnifique. Le message est simple et direct. Il est porteur d’espoirs, et c’est dire si nous en avons besoin après les attentats parisiens de l’année dernière, celui d’il y a quelques jours à Orlando, celui chez ce policier ayant perdu la vie avec sa femme… Je ne suis pas naïf, mais je fais partie de ceux qui partagent le discours des victimes, de leurs familles. Ce n’est pas un discours de haine mais d’amour.
Clémentine Jane : Pour ma part, la première chanson qui me vient à l’esprit, c’est The show must go on de Queen. Ce groupe a toujours été très inspirant pour moi, je l’aime énormément. Et le message de cette chanson est celui de mes perspectives. Je mettrai toujours tout en œuvre pour surmonter les obstacles et faire perdurer le spectacle. J’ai conscience que je pars de loin du fait notamment d’un manque d’estime de moi. Mais depuis, j’ai fait du chemin, un chemin qui se poursuit au quotidien et qui me permet aujourd’hui de me dire que je suis épanouie là où je suis et auprès des gens qui m’entourent. On dit souvent que chacun est son plus grand ennemi : il est possible de dépasser la fatalité du moment que nous allons de l’avant en étant convaincu que ça ira mieux.
« Nous réussissons tous les deux à nous projeter facilement dans les textes de l’autre. »
Le titre album Wild and Free baigne dans l’univers de Cocoon et The Moldy Peaches. Que vous inspirent ces références ?
Benjamin Geffen : C’est clairement un compliment d’évoquer ces deux groupes, merci ! Surtout lorsque l’on connaît leur parcours et certaines de leurs chansons devenues des tubes.
Clémentine Jane : Dans le titre Wild and free, on peut en effet retrouver ces influences. Mais June Island est une somme de références très variées et nos autres morceaux offrent des directions artistiques très différentes. Quoiqu’il en soit, ton retour est très positif. Je trouve justement que Cocoon est un groupe très solaire tout comme le nôtre, et tout comme ce morceau Wild and free qui est en définitive le grand sourire de notre premier EP.
Wild and free véhicule aussi une espérance simple qui se mélange à votre volonté de chanter une certaine forme de libération. Quels sont selon vous les grands défis de demain de la jeunesse d’aujourd’hui que vous incarnez ?
Benjamin Geffen : Nous essayons tout du moins (rires). J’ai l’impression qu’il existe un fossé entre notre génération et celle de nos parents. Ceux-ci pouvaient le ressentir de la même manière lorsqu’ils avaient nos âges, c’est sûr. Mais je crois que notre génération a encore plus l’envie d’aller vers ce qu’elle aime vraiment. Je vais prendre l’exemple de mon père qui est ingénieur en informatique. Quand j’étais plus jeune, lorsqu’on me demandait quel était son métier, je répondais à chaque fois « ordinateur » (rires). J’admire et respecte énormément mon père, il m’a toujours soutenu dans mes projets. Mais le schéma qu’il m’a inculqué est celui type consistant à faire des études puis à trouver un travail pour fonder une famille et subvenir à ses besoins. Je ne m’y reconnais pas forcément. D’ailleurs, lorsque je discute tous les jours avec des gens de mon âge, j’ai la sensation qu’ils sont tous beaucoup plus à l’écoute de ce qu’ils veulent réellement faire de leur vie. Ils se tournent vers ce qui les anime. Et je ne pense pas que ces réflexions soient seulement liées à notre âge. Wild and free transcrit bien cet acte de vie, ce choix pour ce qui nous anime tous vraiment et qui nous permettra d’atteindre nos objectifs, notre destination.
Focus maintenant sur The Bay, le second morceau de votre premier EP. Direction le grand ouest américain pour nous retrouver à bord d’une vieille Chevrolet lancée à tout allure à la tombée du jour. Lequel d’entre vous a écrit le texte de cette chanson ? Quel est son sens caché ?
Benjamin Geffen : C’est moi qui en suis l’auteur. Je l’ai écrite au moment où j’ai rencontré ma petite-amie. Notre relation avait une date de péremption dès le début car elle devait partir deux mois après. Pourtant, j’étais follement amoureux d’elle. The Bay est comme une colonie de vacances : on sait qu’on y reste une semaine, que ça va être du pur bonheur jusqu’à ce qu’elle se termine. Mais il n’y a pas d’amertume dans les souvenirs qu’on conserve de ces moments, bien au contraire. The Bay est un bon souvenir.
Clémentine Jane : June Island est un projet qui nous permet d’évoquer des pans très personnels de nos vies respectives. Nous réussissons tous les deux à nous projeter facilement dans les textes de l’autre. C’est à chaque fois le cas pour toutes les chansons que Ben a pu écrire car elles résonnent avec des choses qui j’ai moi-même vécues. The Bay évoque un sujet simple qui me touche beaucoup et qui m’évoque plus particulièrement les amours de vacances. Je suis très romantique, et s’il m’est arrivé de tomber amoureuse en été, je savais déjà la fin de ces relations lorsqu’elles commençaient. Comme lorsque j’étais partie faire du camping avec ma famille dans le sud de la Corse plusieurs années de suite dans des endroits paradisiaques et naturels. Des amours indélébiles qui me donnent le sourire quand j’y repense…
Benjamin Geffen : Pour l’anecdote, la relation évoquée dans The Bay ne s’est jamais terminée, et je suis toujours follement amoureux d’elle !
Le dernier titre de votre EP s’intitule Mother. Il est un hommage à vos mamans respectives, sans doute à toutes les autres aussi. Il est aussi une prise de conscience et un questionnement sur ce que vous deviendrez une fois qu’elles ne seront plus de ce monde. Quelle est la première image qui vous vient à l’esprit lorsque vous pensez à votre mère ?
Clémentine Jane : Ma mère est celle qui m’a toujours porté. Elle est un soutien sans faille, ma confidente, un modèle. Je l’admire. Elle est partie de rien et a traversé des épreuves qui m’ont toujours paru insurmontables. Pourtant, elle a toujours su se montrer à la hauteur. J’ai toujours été très proche d’elle, plus que mes trois sœurs. D’ailleurs, celles-ci m’ont souvent dit que j’étais son portrait craché ! Je pense que le fait que je sois la dernière de la famille et que je sois restée seule avec mes parents après le départ de mes sœurs a joué dans ce sens. J’ai profité de ces années pour me rapprocher aussi de mon papa qui m’a nourrie de sa musique grâce à sa guitare.
Benjamin Geffen : J’ai écrit Mother à un moment difficile de la vie de ma mère. C’est une chanson qui peut en effet transmettre les pensées et l’amour que tout enfant ressent pour sa mère. Pour moi, elle a aussi été le moyen de révéler ce que m’a apporté la mienne. Si mon père m’a offert le sens de l’analyse, ma mère est celle qui m’a appris à me dépasser pour atteindre mes buts. Elle m’a donné la passion, l’émotion et toute ma sensibilité. Mother est un titre très important pour moi que « nous essayons de chanter au mieux mais que nous avons toujours l’impression de ne pas suffisamment bien chanter ». Je ne sais pas si une seule chanson peut répondre à tout l’amour que chaque maman peut donner à ses enfants. L’idée, c’était finalement de lui dire merci.
Quelles sont les prochaines étapes de June Island ? Un premier album est-il déjà en cours de préparation ?
Benjamin Geffen : Il est même déjà prêt et comportera une dizaine de titres. Nous n’avons pas encore de date arrêtée concernant sa sortie.
Clémentine Jane : Nous serons également en concert en juillet au Perchoir à Ménilmontant. D’autres dates sont également en cours de confirmation.
Nous suivrons ça de près sur votre page Facebook. En attendant, on vous souhaite une très bonne continuation à tous les deux 🙂