Travis, l’un des groupes les plus emblématiques de la scène pop-rock britannique, nous revient ce vendredi avec un nouvel opus intitulé Everything at Once. Un huitième album synonyme de maturité et du recul qui va avec. Un son fidèle à l’identité du groupe qui a su traverser les années… sans prendre une ride.
J’ai connu Travis alors qu’il n’était encore qu’un bébé. C’était en 2001. Il avait déjà fait ses premiers pas quatre ans plus tôt avec un premier album, Good feeling, salué par la critique britannique. Sans pour autant traverser la Manche et faire parvenir son cri jusqu’en France.
The Man Who demeura à son tour dans cette confidentialité toute anglaise, seuls les fans de la première heure sauront vous dire ce que fut la projection de cet homme arpentant son chemin de façon confuse, et ce, malgré un début de reconnaissance avec le titre Turn et tout ce qu’il laissait supposer quant aux perspectives de Travis concernant sa volonté de briser la glace une bonne fois pour toutes.
Ce fut enfin le cas en 2001 donc. J’étais dans ma chambre d’étudiant. Et je tombai tout comme vous sur le premier grand tube de Travis faisant tomber les frontières. Sing transcenda les ondes et fut repris en chœur par tous, y compris celles et ceux ne sachant pas prononcer un mot d’anglais.
À ce jour, The Invisible Band reste la meilleure production de Travis. Bien sûr, cela n’engage que moi.
Puis je perdis Travis de vue. L’adolescence du groupe le laissa parfois sur le carreau. Je passai à côté des deux albums suivants, 12 Memories et The Boy with no Name. Sans me retourner. À croire que l’énième confusion de Travis ne sut jamais résonner avec mes attentes. À croire que le garçon sans nom me rappelait trop l’homme qui…
Mais Travis prit finalement la tangente et se rappela à mon bon souvenir en citant nommément celui qu’il avait enfin trouvé, après tant d’années. Il lui dédia son sixième album, Ode to J. Smith, à grands coups de blues asiatique – chinois pour être plus précis – et d’introspection, de miroirs cassés et d’amis venus lui redire ce qu’il fut avant même d’être jeune, avant même de naître.
Cela avait de quoi laisser mon pauvre Travis un peu désorienté, à tel point qu’il ne sut où aller même s’il sut où rester. On ne retiendra que vaguement Reminder, titre phare de Where we Stand sorti en 2013, soit cinq ans après son sixième opus. Sans doute Travis n’était pas resté sans rien faire durant tout ce temps, évidemment. Mais la perplexité qui l’avait gagné avait de l’influence sur lui, à n’en point douter.
Vous comprendrez donc mes craintes lorsque j’appris la sortie de son nouvel album, Everything at Once. Littéralement « Tout tout de suite »…
J’ai pensé à la régression, à ce désir incandescent de retomber une fois de plus en enfance pour y retrouver la route vers ses caprices les plus fous, les plus passionnés. Les plus à l’ouest, les plus illégitimes aussi.
Et bien non.
Everything at Once est un album vrai sachant conjuguer l’innocence au visage angélique et juvénile à l’expérience de quatre gars qui, s’ils ont bien saisi qu’ils n’étaient que des hommes, conservent cet élan d’entreprendre, de partager, de transmettre.
Des papas me direz-vous ? Non, plutôt les oncles de la famille, ceux à qui l’on confie les misères du monde et les nôtres pour qu’ils en rient avec nous, pour qu’ils relativisent et pour qu’ils nous rassurent ensuite. Sans nous faire la leçon, toujours en chanson.
Everything at Once est le second album produit sous le propre label de Travis, Red Telephone Box. Les compères ont pris complètement les rênes de leur compte en banque et de leur destin avec en tête de proue la voix inimitable de Fran Healy, gris et poilu mais toujours aussi déjanté et sincère.
Mentions spéciales pour les titres Radio song et Everything at Once, offrant une vision alternative d’un patriotisme n’ayant rien à voir avec la défense ou la nation. Ou plutôt celle d’un humain ouvrant les portes et les fenêtres pour laisser simultanément s’envoler son ignorance et entrer une ère de poésie et de sens.
Avant de reprendre la route comme le suggère le dernier morceau de l’album Strangers on a Train, instaurant une avancée lente et sereine vers demain, vers l’autre. Dans toute l’observation de ses fragilités, dans l’écoute du son du temps qui passe, et dans la compréhension des choses qui valent vraiment la peine d’être vécues.
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