Quand l’attraction se fait amour bien que plus que seulement passion, rien ne sert d’y résister. C’est ce que nous enseigne le long métrage de Marco Berger Le colocataire (Un rubio), dévoilé en France en juillet 2020. Mais pas seulement…
Juan (Alfonso Barón) et sa bande de potes sont inséparables. Ils se retrouvent régulièrement durant la semaine après le boulot pour discuter, boire des bières et parler de leurs dernières conquêtes féminines. Le plus souvent à son appartement situé dans la banlieue de Buenos Aires, dans lequel il vit avec son frère. Sur le départ, celui-ci suggère à Juan de louer sa chambre à Gabriel (Gaston Re). Il le connaît déjà puisqu’il travaille dans la même menuiserie que lui. Gabriel n’est pas très bavard mais plutôt convivial. Il cherche justement une nouvelle chambre près de son boulot. En somme, il est le colocataire tout trouvé.
Entre ses journées de travail, sa nouvelle piaule et les allers-retours chez ses parents où vit également sa fille Ornella (Malena Irusta), Gabriel trouve progressivement ses nouvelles marques. L’homme porte le poids de la perte brutale de sa femme. Ses journées se suivent et se ressemblent trop. Seuls les moments avec sa fille lui redonnent vraiment sourire. Malgré tout, une autre lumière voit rapidement le jour dans son regard. Et quand Juan est dans les parages, elle s’intensifie même si les questions s’accumulent dans son esprit. Car l’être de tous ses désirs inavouables enchaîne les relations d’un soir avec les femmes. Comment se pourrait-il qu’il soit un jour, à son tour, attiré par lui ? Et ce sourire lancé à l’improviste ce soir-là : un sourire innocent et amical ? Ou un sourire à l’origine de tout ?
Le colocataire : des réalités côte à côte
Écrit, coproduit et réalisé par l’Argentin Marco Berger, Le colocataire (ndlr : titre original, Un rubio) est porté par un duo d’acteurs touchant. L’interprétation de Gaston Re est bluffante. En parallèle, le film s’inscrit dans la continuité de la filmographie de Marco Berger, axée sur l’homosexualité contemporaine (Plan B, Absent). Autrement dit, celle vécue par des millions d’êtres humains à l’heure où la société, dans son ensemble, est supposée avoir évolué pour vivre de façon apaisée avec eux. Dans les faits, et loin des discours officiels, naître homo forme encore un certain nombre de problématiques. Et si le choix existe bel et bien, il n’est pas lié au fait de décider d’être ou de ne pas être homo contrairement à ce que certains individus persistent à croire. Mais plutôt au fait de savoir si l’on sera apte à vivre cette homosexualité pleinement.
Ceci ne suppose pas, pour celles et ceux concernés, de se définir uniquement par ce prisme-là. D’ailleurs, comment l’identité de tout un chacun pourrait-elle se résumer à sa seule appartenance sexuelle ? En revanche, vivre pleinement son homosexualité sous-entend de se confronter au jugement. Encore aujourd’hui. Celui de la famille et des amis. Des collègues et des directeurs. De toute personne croisée à l’improviste. Pour ne pas subir ce jugement, pour ne pas être stigmatisés, beaucoup font encore le choix du secret, d’une existence parallèle, au risque de passer à côté d’eux-mêmes. Car le secret vaut parfois mieux que l’ignorance, l’isolement forcé, les bruits qui courent et qui poignardent dans le dos. Sans omettre ces violences, ces assassinats ayant toujours cours au seul motif de l’homosexualité. Le colocataire est bien plus qu’un simple film sur l’amour naissant entre deux hommes, dont l’un est plus disposé que l’autre à le vivre au grand jour malgré le poids du contexte social. Le colocataire est un instantané de réalités plurielles très actuelles. Le spectateur aurait tort de ne les considérer qu’à moitié.