Baby Driver est le sixième long-métrage réalisé par le Britannique Edgar Wright. Il est sorti cette semaine et fait partie de ces films dits « pochettes-surprise » : comme des enfants, on ressent l’impatience et l’excitation de découvrir ce qu’il y a à l’intérieur. Tout en sachant, avec un peu d’expérience, que le jouet caché au milieu des friandises peut ne pas être à la hauteur de nos espérances. Des craintes vite dissipées avec Baby Driver.
Baby (Ansel Elgort) passe son temps à écouter de la musique. Elle rythme ses journées et camoufle accessoirement les acouphènes qu’il traîne depuis l’accident de la route dont il fut victime quelques années auparavant avec ses parents, qui y laissèrent la vie. Ce drame aurait pu le détourner définitivement des bolides et des courses de vitesse : que nenni. On le retrouve au volant de l’un d’entre eux, attendant patiemment le retour de ses petits camarades occupés à braquer une banque new-yorkaise. Les revoilà justement quelques instants après dans l’habitacle chargés de leurs 200000 dollars : sur Bellbottoms, un air signé The Jon Spencer Blues Explosion, Baby démarre en trombe et se fraie un chemin jusqu’au QG de Doc (Kevin Spacey), tournant au passage les forces de police au ridicule.
Doc est un mafieux prenant ses conseils de son neveu de huit ans pour préparer ses coups. Il est devenu le mentor de Baby par la force des choses, plus précisément, après que celui-ci lui ait volé et détruit sa voiture remplie de coke. Depuis, Baby est devenu son chauffeur attitré et lui rembourse, casse après casse, sa came évaporée. Justement, celui d’aujourd’hui était l’avant-dernier. Baby n’a qu’une seule hâte : en finir et tourner la page. Surtout depuis sa rencontre avec Debora (Lily James). Il s’imagine déjà tracer la route avec elle à bord du cabriolet de ses rêves. Et ce, sans point de chute défini à l’avance. Comme dans tout bon thriller, ces choses-là ne se passent jamais comme elles étaient prévues. Quel sera le réel prix que devra payer Baby pour recouvrer sa liberté ?
Dépasser le simple rodéo urbain
Pourquoi ai-je été curieux de découvrir Baby Driver ? D’une part, parce que Kevin Spacey et Jamie Foxx figuraient au casting. D’autre part, parce que je sais leur flair pour choisir les scénarios les plus porteurs. Enfin, parce que je connaissais la filmographie d’Edgar Wright tout comme sa capacité en tant que réalisateur à allier un humour élégant et des scènes d’action sachant servir une véritable histoire, et non seulement un semblant.
Autrement dit : si Baby driver offre effectivement des séquences énergisantes avec les moteurs qui ronflent, les bagarres entre gangsters et le sang qui gicle inopinément dans toutes les directions, on est loin, très loin du puits sans fond. L’interprétation du jeune Ansel Elgort (Nos étoiles contraires, trilogie Divergente), entouré par cette distribution de choix, est plutôt honnête. Surtout si l’on considère que son premier rôle va au-delà de son personnage.
Baby Driver : servir un style qui se singularise
Et le style d’Edgar Wright va même plus loin : il surprend encore. Quelle autre plus belle récompense pour un réalisateur, pour tout artiste ? Dans Baby Driver, Edgar Wright réussit non seulement à préciser sa touche mais aussi à faire rimer révérence avec réinvention. Tel est le propre de la création, non ? Certaines scènes du film nous replongent ainsi dans le même esprit que celles devenues cultes de Pulp Fiction. En effet, Quentin Tarantino n’est jamais très loin dans les frasques mises en scène par Edgar Wright. Rappelons que les deux hommes ont déjà eu l’occasion de collaborer à l’occasion du projet Grindhouse, un dyptique d’épouvante sorti en 2007 et composé de Deathproof by Tarantino, ainsi que de Planet Horror signé par le cinéaste Robert Rodriguez.
Quand l’élève commence à égaler le maître, c’est donc avec finesse comique, perspectives. Et bien entendu, sur une bande originale extraordinairement riche et calée à la seconde près. Celle-ci va jusqu’à accompagner les mouvements métronomiques des mains qui entassent les liasses et les danses improvisées de Baby dans son appart de 50 m². Un vrai scénar’, un peu de Queen et d’Incredible Bongo Band, un casting conjuguant talent et détachement, une pointe de The Detroit Emeralds, de Brenda Holloway et de Young MC, une dérision faisant fusionner second degré et trente-sixième dessous déjanté : voilà quelques-uns des ingrédients qui font d’ores et déjà de Baby Driver un joli petit succès.