Sorti mercredi dans les salles, Spotlight est le récit d’une enquête journalistique menée par le Boston Globe au début des années 2000 durant plus d’un an. Elle révéla à son terme l’implication directe de l’Église dans la protection de hautes personnalités issues de ses rangs suite aux actes de pédophilie qu’elles perpétrèrent durant plusieurs années. Mais ne vous y trompez pas : au-delà du scandale que ce travail d’investigation déterra, il s’agit bien pour le réalisateur Tom McCarthy de valoriser avant tout le réel sens du métier de journaliste et son rôle dans le traitement de l’information et des dérives du système.
Les équipes du Boston Globe voient l’arrivée de leur nouveau rédacteur en chef Marty Baron (Liev Shreiber) d’un œil suspicieux et craignent de nouveaux licenciements du fait de la perte de leurs parts de marché régulièrement rognées par la presse online, et de la diminution de leur lectorat. Pourtant, Baron va très vite se positionner en faveur des intérêts économiques du journal et le travail d’une information capable de reconquérir la cible du journal en local.
Dans ce sens, il va s’appuyer sur Spotlight, le département dédié à un journalisme d’investigation méticuleux sous la responsabilité de Walter Robinson (Micheal Keaton). Il confie à cette équipe une enquête relative aux suspicions d’abus sexuels opérés par des prêtres de l’Église catholique sur plusieurs enfants, et dont les agissements auraient été couverts par le cardinal et l’archidiocèse de Boston.
L’équipe Spotlight débute ses investigations sur la base d’anciens articles du Boston Globe traitant déjà à l’époque et – trop – sommairement cette affaire. Elle se déploie et se retrouve confrontée à la détresse des victimes et aux rouages machiavéliques du système politico-judiciaire et religieux.
Spotlight n’est pas un simple exposé sur grand écran d’une histoire vraie dont le dénouement se traduisit par la révélation de nombreux autres scandales de pédophilie au sein de l’Église catholique dans le monde entier.
Spotlight n’est pas non plus la seule dénonciation d’un système omnipotent usant de la peur, du silence, de la menace, de la vengeance, de l’ignorance pour préserver ses intérêts et son mouvement perpétuel.
Spotlight est avant tout une définition. Celle du journalisme.
Ainsi, l’une des séquences déterminantes du film et mettant en scène l’échange véhément intervenant entre le journaliste d’investigation Michael Rezendes (Mark Ruffalo) et Walter Robinson met le doigt sur la signification réelle du métier, qui n’a définitivement rien à voir avec l’émotionnel.
Par opposition au quotidien professionnel de la grande majorité des journaux actuels privilégiant le traitement partial et en surface de sujets arrivant directement par dépêche ou par mail au sein de leurs rédactions, le réalisateur Tom McCarthy met en lumière le labeur de l’investigation. L’enquête devient une quête dépassant l’information elle-même tout comme sa transmission. Le journalisme redevient le garde-fou d’un système global incapable de s’autoréguler et générant des déséquilibres inhumains et dévastateurs autant pour ses composantes que pour lui-même.
Par conséquent, si l’issue du film est bel et bien connue, nul doute que sa réalisation menée à la façon d’un thriller engagé ne pourra vous laisser indifférents. Avec Spotlight, Tom McCarthy et son coscénariste Josh Singer ont su porter à l’écran une volonté de sens ainsi que l’immuable nécessité d’une remise en question permanente des modèles et des acteurs.