Montpellier abrite un petit monde musical décidément surprenant. Le duo folk CLAW en est un exemple. Il y est né, et ce, même si ses origines sont d’ailleurs, entre l’Ardèche et la ville anglaise de Bristol. CLAW a sorti en mai dernier son second EP intitulé Bloom. Rencontre avec Samuel Arghittu et Maugan Kenward pour en parler, entre autres choses.
Bonjour Samuel et bonjour Maugan. Merci d’avoir accepté cette interview. On vous a énormément interrogés précédemment sur vos influences musicales et votre univers. J’aimerais donc aujourd’hui m’arrêter quelques instants sur ce qui vous anime. En commençant par les premiers souvenirs qui refont surface dans vos mémoires respectives lorsque l’on évoque la musique. Votre premier frisson musical, c’était où, quand, comment, avec qui, et pourquoi l’avez-vous ressenti ainsi à ce moment-là ?
Samuel Arghittu : Hello, merci à toi aussi Florian ! Il y a toujours eu de la musique chez moi. Mon père écoutait plein de trucs : Led Zeppelin, Oasis, Charlie Parker, Prodigy. Mon premier souvenir de musique, c’est un cours de guitare. J’ai fait deux ans de guitare quand j’avais 7 et 8 ans, puis j’ai repris tout seul plus tard vers 18 ans. Mon prof jouait sur une guitare folk et je trouvais que le son était magnifique. Quand ma mère est venue me chercher ce jour-là, je me souviens lui avoir dit que j’aurai la même guitare que lui un jour. J’ai vraiment découvert la musique folk à ma majorité. J’aimais beaucoup Moriarty. Puis je suis tombé sur la chanson For Emma de Bon Iver : je me suis dit que j’étais tombé sur le genre de musique que j’avais toujours eu envie d’entendre.
Maugan Kenward : Pour ma part, je n’ai pas de souvenirs précis, mais je me rappelle que mon père m’asseyait souvent sur le canapé pour me faire écouter les vinyles de son enfance, allant de Led Zeppelin à Crosby, Stills & Nash. Je me souviens avoir découvert tout un univers à chaque écoute, et l’un des meilleurs moyens pour m’évader.
Comment qualifieriez-vous les aspects contemplatifs incrustés dans votre écriture et la composition de vos morceaux ?
Samuel Arghittu : Je ne saurai pas trop comment les décrire. J’écris et je compose les morceaux comme ils viennent, sans trop penser au rendu. Je trouve que c’est plus instinctif.
Que vous procure l’observation du monde qui vous entoure ?
Samuel Arghittu : Comme beaucoup de gens, je vois les infos sur internet. Forcément, il y a toujours des choses qui vont mal et qui font peur. Mais cela ne m’inspire pas vraiment pour mes chansons. J’aime bien le fait que la musique soit déconnectée du monde réel, que ce soit un espace pour rêver.
Votre duo est encore jeune, mais votre planète CLAW suggère qu’il ne s’agit pas de la première que vous colonisez. Quels ont été vos précédents projets marquants respectifs, avant de débarquer à la surface de CLAW ?
Samuel Arghittu : Personnellement, je n’ai vraiment eu que deux groupes avant CLAW, Draughted Minds et The Misty Mountains. Même si je n’ai fait qu’un seul concert avec le premier, il s’agissait quand même de mon tout premier band. Son univers, c’était la folk, guitare-chant, guitare et batterie. Le deuxième groupe, dont le batteur était le même que dans le premier, était plus rock-garage-stoner.
Maugan Kenward : Je fais partie de quelques projets parallèles sur Montpellier, notamment Hoox, un groupe plus tourné vers la pop électro, et Smogy, qui est mon projet personnel. Je compose également pour des projets plus rap et hip hop (Baghz, Dab Rozer). Je me suis donc naturellement orienté vers les arrangements quand on a commencé à bosser ensemble avec Sam.
Quels enseignements avez-vous tirés de ces expériences ?
Samuel Arghittu : Ça m’a appris à jouer en groupe déjà, vu que je jouais toujours seul chez moi avant. Avec The Misty Mountains, j’ai appris à jouer de la guitare électrique, mais j’avais toujours envie de revenir à la musique folk même si c’était cool de faire des trucs un peu plus rock’n’roll.
Maugan Kenward : Le fait d’avoir des rôles différents au sein de chaque projet m’a permis, je pense, de savoir me placer pour pouvoir apporter un maximum à chaque projet, et notamment à CLAW. Je n’empiète jamais sur les compositions de Sam : je les vois plutôt comme un terrain de jeu. La structure et la mélodie sont fixes, et la principale question que je pose est : que puis-je faire pour emmener ce morceau là où il devrait être en me chargeant de tout ce qu’il y a autour ?
« J’ai écouté Ben Harper pendant longtemps, et c’est la musique de Passenger qui m’a donné envie de me lancer pour faire de la musique folk. Quitte à en faire seul d’ailleurs »
Après la brume minimaliste de Mist, vous avez donc sorti un nouvel EP intitulé Bloom en mai de cette année. Une floraison végétale, mais aussi très aérienne, composée de 4 titres qui savent bousculer. Quelle était la toute première idée à l’origine de la composition et de la réalisation de cet EP ?
Samuel Arghittu : Il n’y avait pas vraiment d’idée globale pour la composition. En fait, il s’agit de chansons que j’ai composées après celles de Mist, et qui suivent mon évolution, sachant que j’ai composé les chansons de Mist quand je jouais encore avec les Misty Mountains. Je ne savais pas vraiment ce que j’allais en faire vu que le délire était différent. À la base, Maugan ne s’occupait que des arrangements sur le premier EP. Une fois terminé, nous nous sommes dit que ce serait cool de continuer le projet ensemble. Du coup, on sent plus les aspects « collaboratifs » dans Bloom. Ainsi que l’épanouissement de notre duo.
Entre The XX et des tréfonds vocaux de Billy Corgan, le lead vocal de The Smashing Pumpkins, en passant par David Rosenberg du groupe Passenger, ainsi que Ben Harper : comment considérez-vous ces comparatifs faits entre ces illustres références et vous ?
Samuel Arghittu : J’ai écouté Ben Harper pendant longtemps, et c’est la musique de Passenger qui m’a donné envie de me lancer pour faire de la musique folk. Quitte à en faire seul d’ailleurs. En tous les cas, si les gens pensent à ces références que tu cites en écoutant notre musique, je trouve ça super cool.
Que vous manque-t-il à l’heure actuelle pour imposer votre style et éviter que votre empreinte soit classifiée, rangée dans une case par ceux ayant écouté votre EP Bloom ?
Maugan Kenward : Nous sommes en train de bosser sur de nouveaux morceaux qui, à mon goût, vont enlever ces « étiquettes ». Notre approche a été complètement différente. Sam autant que moi, avons su considérer notre expérience sur les premiers EP pour peaufiner notre ligne directrice et aller explorer des territoires qui sont, je pense, très peu explorés par la musique folk.
Samuel, tu as déclaré dans une précédente interview que « les textes de CLAW restent écrits en anglais, car chanter en français aujourd’hui reste un pari trop audacieux que je ne me sens pas de tenir« . En quoi le choix d’écrire et de chanter en français serait-il audacieux ?
Samuel Arghittu : Très honnêtement, je n’ai pas beaucoup écouté de musique en français. J’ai grandi avec des musiques, des livres, des films et des séries anglo-saxons. C’est plus naturel pour moi de rester dans cette trajectoire, je suis aussi plus à l’aise pour m’exprimer en anglais qu’en français.
Deux EP, 9 titres originaux : on pourrait être tenté de supposer la sortie prochaine d’un album. Fait-on fausse route ?
Samuel Arghittu : Pas du tout, tu as vu juste ! Nous sommes actuellement en train d’enregistrer notre premier album. Les thèmes abordés portent sur l’amitié. C’est un projet un peu spécial car j’ai écrit une véritable histoire pour cet album, à laquelle Maugan à collaborer alors que nous finissions la maquette. Cette histoire est dans un registre fantastique, un peu comme un conte. Chaque chanson en constitue un chapitre. Le tout sera illustré et compilé dans un mini bouquin.
CLAW : Facebook | Photos : M/C