Baptiste, Richard, Sharif, Thomas : ce quatuor parisien forme le groupe Deputies, connu depuis 2012 grâce à la sortie de son premier EP First Date. Il est revenu en mai dernier avec Heatwave, une nouvelle production composée de six titres à l’énergie instinctive et contagieuse.
Baptiste, Richard, Sharif, Thomas, bonjour, et merci d’avoir accepté cette interview. On sait peu de choses finalement sur ce qui vous a réunis. Vous aviez quel âge lorsque vous vous êtes rencontrés ?
Sharif (chant) : Hello, et merci à toi aussi ! On a formé Deputies en 2012 effectivement, et on avait tous aux alentours de 25 ans à l’époque.
Dans quelles circonstances s’est déroulée cette toute première rencontre ?
Sharif : Baptiste et Thomas se connaissaient depuis Science Po Lyon, où ils jouaient ensemble dans un groupe, genre « le » groupe de Science Po Lyon. Moi, je venais d’arriver sur Paris pour terminer mes études. J’avais un groupe de punk-rock au lycée à la Réunion, puis à Bordeaux. Bapt et Tom cherchaient un chanteur pour monter un nouveau groupe. J’étais chaud. Richard est arrivé plus tard. On a parlé musique, influences. On a bu des bières et fait quelques répétitions, puis on s’est plu.
Sur votre site officiel, on peut lire dans votre biographie que Deputies est hédoniste aussi bien à la ville que sur scène. L’idée dans l’hédonisme est de rechercher le plaisir par tous les moyens et d’éviter le déplaisir. De faire de cette doctrine un objectif existentiel permanent. Quelle est la recette de chacun d’entre vous pour y parvenir concrètement ?
Sharif : Individuellement, on est tous de très bons vivants. On aime la bonne chère et le bon vin, comme on dit. On ne choisit pas entre le fromage et le dessert, on prend les deux. En tant que groupe, on essaie de faire au mieux pour que chacun de nous soit satisfait. On compose tous ensemble, on prend les décisions tous ensemble. Et sur scène, on s’amuse tous ensemble.
Un tel objectif pour un groupe en phase de reconnaissance du public tel que le vôtre est-il tenable à l’heure actuelle ?
Thomas (lead guitare) : Je pense que le plaisir est contagieux. Si tu débarques à une fête où tout le monde est heureux, s’amuse, picole et danse, même si t’es moyen chaud, tu vas te prendre au jeu et t’amuser toi aussi. C’est comme ça qu’on voit nos concerts. Donc finalement, ça correspond tout à fait à l’idée de séduire le public.
Après ces cinq dernières années passées en studio et sur les routes, vivez-vous aujourd’hui de votre musique ?
Baptiste (batterie) : C’est assez compliqué quand tu es un groupe en auto-prod de vivre de ta musique. On gagne un peu d’argent pour pouvoir continuer à alimenter le projet. Tout ce qu’on gagne avec le groupe sert à financer le groupe. Du coup, à côté de notre activité de musicien, on a tous un job à plein temps.
Quels métiers exercez-vous en parallèle du groupe ?
Richard (basse) : Thomas est avocat, Baptiste et Sharif sont dans la com’ et moi dans la vente.
Quelles difficultés rencontrez-vous dans le cadre de votre parcours artistique et musical commun ?
Thomas : La première difficulté, je dirais que c’est le temps. Comme on bosse tous à côté, il faut réussir à dégager du temps pour les concerts. Du coup, on ne joue pas autant qu’on le voudrait. Cela nous arrive très souvent de devoir refuser des concerts, par manque de temps. Mais généralement, quand on nous propose quelque chose de gros ou de cool, on essaie quand même de faire notre maximum pour le faire. La deuxième difficulté, c’est justement la taille des scènes qu’on nous propose.
Aujourd’hui, on arrive à jouer partout, que ce soit dans des clubs, des bars, des soirées privées, des galas, des festivals et même dans des stades de rugby ! Les gros festivals ne nous accueillent pas encore tous à bras ouverts, mais cela commence. Cette année, on était sur la grande scène du Rock’n Solex à Rennes : c’était ouf ! J’imagine que les programmateurs n’osent pas trop faire venir de groupes en auto-prod qui ne soient pas soutenus par une grosse structure.
La signature de Deputies avec un label est-elle une priorité pour vous quatre, ou préférez-vous conserver la maîtrise de vos productions ?
Sharif : On en a parlé récemment, suite au constat que nous évoquions à l’instant. On s’était dit qu’il nous faudrait un partenaire dans l’industrie musicale qui se porterait garant et nous crédibiliserait aux yeux des programmateurs pour avancer. On a été contactés récemment par un éditeur spécialisé dans les synchros (ndlr : placement de sons dans les productions audiovisuelles et promotionnelles) et avec qui on est entrés en pourparlers. Je pense qu’on est plus à la recherche de ce genre de contrat que d’un label.
« Les synchros, dans la pub ou dans les films, te permettent de toucher un public éloigné aussi bien géographiquement que culturellement. C’est exactement la raison pour laquelle nous nous sommes mis en quête d’un éditeur qui sache les développer au mieux »
Lors de la sortie du clip de votre titre Furie en juin 2016, certains sites n’hésitaient pas à comparer votre formation à certains British bands, à l’instar de The Pigeon Detectives, the Rakes ou bien encore Two Door Cinema Club. Concernant ce dernier groupe, il explose le nombre de vues sur Youtube, notamment avec son titre What you know utilisé dans la pub et plus récemment Bad Decisions, devenu la signature musicale de l’émission française Quotidien sur TMC. Sans atteindre les mêmes niveaux, la pub online de 16 secondes de la marque américaine Hollister axée sur votre single Rosa (paru sur votre second EP Honeymoon en 2014) a tout de même comptabilisé plus de 785000 vues. Comment s’est opéré ce choix au niveau de la marque ?
Richard : Il s’agissait d’une demande entrante. Quelqu’un de chez Bands for brand, une sorte d’agence en ligne, nous a demandés s’il pouvait proposer notre chanson à Hollister pour sa nouvelle campagne, moyennant money. On a dit oui bien sûr, et on ne le regrette pas !
Que vous a concrètement apporté cette collaboration dans votre quotidien d’enregistrement et de tournée en France ?
Baptiste : Pour être honnête avec toi, financièrement, presque rien. Par contre ça nous a permis d’avoir une très bonne exposition et une large diffusion, surtout de l’autre côté de l’Atlantique. Pendant toute le période de diffusion du spot, on recevait des mails et des commentaires de kids des U.S. On a été pas mal playlistés par la suite dans des webradios américaines et sud-américaines. On a même eu une proposition de tournée au Mexique au printemps ! Bon, on n’a pas pu y aller ce coup-ci parce qu’on était pris par la sortie de l’EP, mais c’est une idée et des contacts qu’on garde dans un coin de la tête.
Est-ce le levier promotionnel le plus efficace pour Deputies, avant même les concerts ?
Sharif : C’est clairement le meilleur moyen de diffuser ta musique. Les synchros, dans la pub ou dans les films, te permettent de toucher un public éloigné aussi bien géographiquement que culturellement. C’est exactement la raison pour laquelle nous nous sommes mis en quête d’un éditeur qui sache les développer au mieux.
Votre troisième EP Heatwave est donc sorti en mai dernier. Il s’accompagne d’une tournée à travers la France qui a débuté cinq mois avant avec deux premières dates à Paris. On est saisi par les effets pop-rock qui rebondissent, notamment sur les deux premiers singles Champion et Furie. Comment se déroule habituellement le travail d’écriture et de composition pour chaque morceau ?
Sharif : On compose tous ensemble. Généralement, Tom ou moi, on arrive au studio avec une idée qui sert de point de départ et on la développe ensuite tous ensemble. Il arrive souvent que le résultat final ne ressemble pas du tout à l’idée de base, mais ce n’est pas grave. Le but est de faire des morceaux qu’on aime tous les quatre. En parallèle, je m’occupe de l’écriture des textes.
Pouvez-vous me citer chacun votre tour une figure de la musique qui ne vous a jamais lâché et à laquelle vous vous identifiez comme s’il s’agissait de votre propre frère/sœur ?
Thomas : Honnêtement, il n’y a pas une personnalité ou un groupe qui nous a influencé plus qu’un autre. On écoute tous énormément de musique et de nombreux styles différents. Des trucs récents et des trucs plus vieux. Cela va des Clash à Foals en passant par Nirvana. Impossible donc de te présenter un frère ou une sœur : on est plutôt du genre famille nombreuse ! (rires)
French Sugar Babe est un morceau que j’ai particulièrement apprécié par ses aspects plus crus connectés à un rock plus instinctif. Il m’a rappelé certains morceaux de The Stereophonics, avec dans le fond, certaines tentatives d’intrusion d’Indochine. Du coup, je rejoins celles et ceux qui s’interrogent sur la possibilité de futurs titres rocks écrits en français made by Deputies. Même si l’anglais sonne bien et que vous le privilégiez pour vous offrir prochainement votre road-trip américain, vous pensez-pas que ce serait une bonne idée ?
Sharif : C’est une question compliquée… Il y aurait mille et une raisons d’écrire des chansons en français, et presque autant pour ne pas le faire. Histoire de faire court, je dirais que je ne me sens pas capable de le faire bien.
Déjà trois EPs depuis 2012 : un album est-il en cours de préparation pour Deputies ?
Richard : Pas d’album en cours de préparation. On continue à composer, à écrire. Mais si tu veux un scoop, je peux te dire qu’on a le projet d’enregistrer un nouveau single d’ici cet hiver. Peut-être de l’autre côté de la Manche d’ailleurs…
Deputies : Facebook | Photos : Mathieu Riondet, Idéclic