Réalisé par Paul Verhoeven, Elle met à jour une Isabelle Huppert au sommet de son art. Entre thriller et drame psychologique, l’histoire de Michèle, le personnage qu’elle incarne, trouve sa fin heureuse. D’une certaine manière.
Un chat qui gratte à la porte parce qu’il veut rentrer. Sa maîtresse, Michèle (Isabelle Huppert), qui lui ouvre comme tous les autres jours. Sauf qu’il ne s’agit pas d’un jour comme les autres. La porte revient brutalement dans la tête de la femme. Après une lutte effrénée pour échapper aux griffes de son agresseur, celui-ci finit par la violer. Avant de repartir comme il fut venu. Michèle reprend ses esprits. Elle soigne ses plaies physiques et intérieures pour sauver les apparences. Elle va voir sa mère (Judith Magre), la laissant discourir sur son égoïsme. Comme si de rien n’était, elle retourne au boulot, une agence créa de jeux vidéo.
Les soupçons s’installent dans l’esprit de Michèle, au moindre comportement inhabituel de l’un de ses interlocuteurs. La passion exprimée par un jeune designer de sa boîte devient suspecte. Le sourire inopportun de Patrick (Laurent Lafitte), le mari de sa voisine (Virginie Efira), interroge. L’aventure inattendue de Richard (Charles Berling), son ex-mari, la surprend. Et pourquoi pas son propre fils Vincent (Jonas Bloquet), qui a toujours eu plus d’affection pour sa meilleure amie (Anne Consigny) que pour sa propre mère ? Ou son amant Robert (Christian Berkel), le mari de cette dernière ? Michèle épie le moindre signe, semble s’égarer mais ne se perd jamais. La violence insoutenable qu’elle vécut sur son parquet, quelques jours auparavant, se mêle à celle de son propre père, emprisonné suite à 27 homicides auxquels elle prit part, malgré elle, alors qu’elle n’était encore qu’une gamine.
Folle ? Ou seulement Elle ?
Parmi les réalisations de Paul Verhoeven, on trouve pêle-mêle de grands succès internationaux érotiques. Par exemple, Basic Instinct et Showgirls. Des blockbusters de science-fiction à l’instar de Total Recall et Starship Troopers. Ainsi que l’une des fresques historiques sur la Seconde Guerre Mondiale les plus réussies avec Black Book, sorti dans les salles en 2006. Avec Elle, dévoilé dix ans plus tard, le réalisateur néerlandais semble convoler en justes noces avec la logique de sa filmographie. Certes, elle ne saute pas aux yeux. Pourtant, sans avoir réalisé ces précédents long métrages, l’évidence n’aurait pas eu la même saveur dans Elle. Voilà ce qui explique en grande partie les nombreuses récompenses obtenues par le film, dont le César 2017 du meilleur film français de l’année.
Écrit par David Birke d’après l’œuvre du romancier Philippe Djian, le scénario catalyse tout le plaisir d’un thriller bien pensé, justement réalisé. Mais aussi, et surtout, porté par une actrice dont le brio fut lui aussi couronné, notamment par un César et un Golden Globe. Dans Elle, Isabelle Huppert est sensationnelle, en ce sens qu’elle incarne la sensation dans toute son instinctivité. Les regards ne trompent pas. Pas plus que les cris. Tout ce beau monde règle son jeu sur le sien. En réalité, il fallait bien le talent d’une Isabelle Huppert pour assumer les ressentiments d’un personnage tel que Michèle. Tout comme ses envies les plus cachées et sa défiance la plus enivrante. On retiendra que la honte n’est pas un sentiment assez fort pour nous empêcher de faire quoi que ce soit. Alors, lâchons-nous, si c’est là le meilleur moyen d’être en paix avec nous-mêmes.