Si elle est bel et bien la huitième femme dissimulée derrière sa caméra, ne voyez aucune tentative de sa part d’unir sa nouvelle réalisation avec le film culte de François Ozon. Dans Les Proies, Sofia Coppola nous propose de replonger en pleine guerre de Sécession américaine, au cœur d’une école pour jeunes filles perdues en Virginie à l’orée des conflits. Mais au fait, qui est la véritable bête ?
La jeune Miss Amy (Oona Laurence) s’en est allée dans les bois pour cueillir des champignons pour le souper. Elle gambade et chante au milieu des arbres, en totale insouciance. Progressivement, des bruits cadencés se font entendre. Ce ne sont pas les bruits des pas de la fillette sur la mousse fraîche.
Les canons et les coups de fusil à répétition diffusent progressivement une mélodie à laquelle Miss Amy semble habituée. Ils sont proches et accompagnent les assauts des Confédérés et des Yankees. Justement, en voici un au pied de ce saule. La jeune fille est prise d’une stupeur folle, mais finit par se ressaisir rapidement.
Le déserteur s’appelle John McBurney (Colin Farrell). Il est caporal et salement amoché à la jambe. Il perd beaucoup de sang et Miss Amy lui propose rapidement de l’emmener jusqu’au pensionnat de Miss Martha (Nicole Kidman). Après tout, mieux vaut ça plutôt que de se vider de son sang, seul dans cette forêt, jusqu’à la mort, n’est-ce-pas ? Vraiment ?
Un contexte historico-subjectif
Ce n’est pas la première fois que Sofia Coppola axe la trame d’un de ses films sur un cadre historique mêlant batailles et révoltes. À l’instar de Marie-Antoinette sorti dans les salles voilà déjà onze ans, Les Proies se déroule trois ans après le début de la guerre civile américaine opposant les États-Unis d’Amérique dirigés par Abraham Lincoln aux États confédérés d’Amérique dirigés par Jefferson Davis.
Ainsi, la vie du pensionnat pour jeunes filles tenu par Miss Martha est rythmée par les confrontations à quelques pas de là et par les mouvements des troupes. Ces dernières passent régulièrement devant le portail d’entrée du pensionnat. Un chiffon bleu indique d’ailleurs aux confédérés la présence d’un ennemi dans la demeure. Mais sa symbolique revêt rapidement une autre signification.
Contemplations que vous ne sauriez voir
Les Proies est l’occasion une fois de plus pour Sofia Coppola d’imprimer sa touche, misant sur un « décalé » servant magnifiquement ses plans. Les lumières et les couleurs rappellent celles de ses précédentes réalisations, à l’instar de Lost in Translation. Quant aux décors et aux costumes, on apprécie à sa juste valeur la minutie des équipes d’Anne Ross et de Stacey Battat, frôlant l’excellence.
Pourtant, on ne peut passer à côté des longueurs de certaines séquences, et ce, malgré le casting redoutable porté par Colin Farrell et Nicole Kidman, sans oublier deux des égéries de Sofia Coppola : Kristen Dunst et Elle Fanning. Leurs interprétations respectives sont tout à fait honnêtes, mais la démarche contemplative de la réalisatrice tend à maintenir le scénario en surface. À moins que…
Trame et sens cachés
Dans son observation de monde, de l’Histoire, des gens. Mais aussi dans sa volonté de contempler en retranscrivant le plus fidèlement possible la réalité des faits, leurs causes et leurs conséquences, Sofia Coppola semble chercher la naissance d’une histoire parallèle qui permettrait de distinguer les véritables proies de celles qui n’en ont que l’air.
Dans celui des comptines interprétées par ces jeunes filles du pensionnat de Miss Marthe réside justement la clef de décryptage permettant de dépasser la première signification des envies et des rivalités de chaque personnage, puis d’identifier les loups cachés dans la bergerie. Au jeu des intentions les plus pures, les plus blancs ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Car derrière ces intentions les plus pures subsistent très souvent les desseins d’âmes apeurées, seules et perdues.