Madame est le second long-métrage réalisé par Amanda Sthers. Neuf ans après son premier film, Je vais te manquer, tourné notamment avec Carole Bouquet, Pierre Arditi, Anne Marvin et Fred Testot, la Française étonne et dévoile sans complexe l’influence que l’œuvre de Woody Allen eut sur sa perspective créative et sa mise en scène. Pour une comédie qui, au final, ne manque ni de piquant ni de charme.
Dans une demeure cossue au cœur de Paris, Bob Fredericks (Harvey Keitel) et sa nouvelle épouse Anne (Toni Collette) se préparent. Le premier pour la vente d’un tableau de maître qui lui permettrait de renflouer ses caisses. La seconde pour un dîner mondain organisé le soir-même à domicile. Steven Fredericks (Tom Hughes) débarque au beau milieu de cette fin de journée agitée. Il est le fils du premier mariage de Bob. Si son jeune demi-frère et sa petite demi-sœur lui sautent dans les bras, à l’instar de Maria (Rossy de Palma), la bonne de la famille, les retrouvailles sont bien plus mesurées avec Anne, qui ne semble pas porter dans son cœur l’écrivain trentenaire qu’il est, et qu’elle considère comme un raté opportuniste et profiteur.
Et son désœuvrement ne fait qu’empirer lorsqu’elle apprend que Steven a été invité par son père à rester pour le dîner. Douze et un, treize : treize couverts ! Pour Anne, il est impossible de rester dans cette configuration inédite. Il lui faut un quatorzième convive de dernière minute. Son choix est immédiatement fait : ce sera Maria qui tiendra ce rôle. Bien sûr, Maria est complètement chamboulée. Elle ne peut se soustraire à la consigne de sa patronne. Néanmoins, elle craint le pire quant à son grand rôle d’un soir. Pourtant, il s’agit de son soir. Un soir qui va bouleverser sa vie.
Madame : grandes inspirations alléniennes
Ce qui interpelle dès le départ dans Madame, c’est cette atmosphère qui tendrait à faire omettre que le film est réalisé non pas par Woody Allen mais par Amanda Sthers. On est saisi par l’empreinte laissée par l’illustre réalisateur américain sur la touche de la Française. Ainsi que sur sa mise en scène, son scénario. Sur les couleurs, les lumières, les enchaînements de séquences.
Madame se mue ainsi en la symbiose de certains grands films ayant fait le succès d’Allen, de Manhattan à Magic in the Moonlight, en passant par Blue Jasmine et Vicky Cristina Barcelona. L’écriture sert des personnages forts alliant finesse, comique et ridicule. Le casting est à la mesure de Madame. Au côté d’une Rossy de Palma plus charismatique que jamais, Toni Collette incarne la solitude méprisante de son personnage à la perfection tandis que Tom Hughes profite avantageusement de sa posture de manipulateur sournois et bienveillant.
Amour de classes
Madame axe sa progression sur l’histoire d’amour vécue par la bonne avec l’une des connaissances fortunées de la famille pour laquelle elle travaille. Mais le film est également l’occasion pour Amanda Sthers de gratter en surface et à sa manière le vernis d’une élite bien aise. En tous les cas, en apparence. Frôlant la caricature, la perspective d’Amanda Sthers tend à pointer du doigt l’enclavement volontaire des plus riches au seul motif qu’ils le soient. Car, en définitive, leur détachement n’est que de façade. On découvre en effet derrière ces postures des problématiques finalement assez similaires à celles de Monsieur et Madame Tout-le-monde.
Des problématiques qui n’en seraient sans doute pas s’ils ne les considéraient pas ainsi. Des problématiques qui ne semblent exister que pour justifier leur existence. Ainsi, dans les pas de cette bonne, les résonances d’une distance à prendre. Dans ses mots et ses prières, une volonté innée de ne pas se conformer aux « codes ». Et près de son cœur, non pas l’appel d’un prétendant qui pourrait tout changer. Mais un essentiel qui lui sera évident de retrouver.