Qu’il est bon de retrouver nos salles de ciné… Dans la continuité de Falling, le film écrit, réalisé et interprété par Viggo Mortensen, le tout premier long métrage réalisé par Florian Zeller, The Father, sorti le 26 mai dernier, fait la part belle aux papys gâteux. À ceci près que le sien est incarné par l’inégalable Anthony Hopkins.
Anthony (Anthony Hopkins) est un vieux monsieur. Il vit dans un grand appartement au cœur de Londres. Le sien. Ou plutôt est-ce celui de sa fille Anne (Olivia Colman) ? Peu importe. Une chose est sûre : The Father ne veut absolument pas entendre parler d’une quelconque aide-soignante à domicile. Il ne cesse de le clamer jusqu’à ce que sa fille lui annonce qu’elle est sur le point de s’installer à Paris avec son nouveau compagnon Paul (Rufus Sewell). Paul… Son prénom n’était-il pas James ? Il ne le sait plus vraiment. Pour l’heure, la montre d’Anthony n’est plus à son poignée. Et lui seul sait qu’elle est soigneusement cachée dans la salle de bains. Enfin, c’est ce qu’il croit.
Lui qui pensait pouvoir se servir de ce prétexte pour congédier la nouvelle aide-soignante que sa fille lui a mis dans les pattes. Mais c’était sans compter sur la perspicacité de cette dernière. D’ailleurs, voilà qu’elle l’appelle pour le dîner. Paul n’est plus le même homme, encore. Et il n’est plus question d’aller vivre à Paris. Bref… Les visages changent et se confondent. Celui de sa fille à son tour, quand celui de Laura (Imogen Poots), sa nouvelle aide-soignante, emprunte les traits de sa seconde fille, celle qu’il affectionne le plus. Mais qui n’est pas là auprès de lui, au fil des jours qui passent dans cette chambre, dans ce salon, dans ce hall, dans cette cuisine. Dont la décoration se transforme à l’envi, sans qu’il ne sache plus vraiment pourquoi ni comment.
The Father : tel est pris qui croyait prendre
Technique, scénario, production : avec The Father, Florian Zeller innove dans tous les sens du terme et passe derrière la caméra pour l’occasion. Son approche cinématographique se double d’une vision très théâtrale pour concevoir un huis clos qui déboussole tout autant qu’il fascine. Selon son propre souhait, il fait de cet appartement un personnage à part entière. Son mobilier, ses couleurs, ses lumières, sa mémoire et ses omissions, parfois perfides, décrivent une palette de perditions et d’agressions psychologiques finement ciselées. On en perd notre latin, nos repères. On imagine tous les genres, les plus folles péripéties, les dénouements les plus angoissants ou les plus farfelus. Puis on s’y perd tout en demeurant dans un état de sidération total.
Récompensé aux Oscars pour le meilleur scénario, adapté de la septième pièce de théâtre Le Père créée par Florian Zeller lui-même en septembre 2012, The Father est aussi la réussite d’un casting de choix. Auprès de la charismatique Olivia Colman (Broadchurch, The Crown, La Favorite, Le crime de l’Orient-Express), Anthony Hopkins y est étincelant. Dès lors, les nombreuses distinctions qu’il a obtenues pour son rôle, entre autres, l’Oscar et le prix BAFTA du meilleur acteur, dépassent la seule et énième reconnaissance de son talent. Car dans The Father, Anthony Hopkins ne se limite pas au brio de son interprétation. En réalité, il y livre une part de lui d’aujourd’hui. Un regard bienveillant sur ce qui l’attend et ce qu’il n’aurait sans doute pas envisagé hier, de cette façon-là. Son appréhension intime d’une vie, d’une mort loin de n’être qu’une simple fin. En tous les cas, pour ces quelques grands acteurs éternels, tels qu’il le restera lui-même, n’ayant jamais omis d’être des hommes.