Arthur aka Arthrn n’a que 23 ans. Et déjà, on sent chez lui cette humilité qui caractérise les artistes très prometteurs. Le 16 octobre dernier, il dévoilait son premier album Muster. Une création qui se veut fédératrice, mais aussi révélatrice d’un monde en proie à ses doutes, jusqu’à devenir le fantôme de lui-même.
Derrière le rideau de son mobile home, Arthrn scrute le moindre mouvement. À l’affût des frémissements de la nature humaine, il s’imprègne à distance des mélodies de chaque geste, bienvenu ou inopportun. Bercé par la musique de Frank Zappa, de Miles Davis et de John Coltrane, entre autres, il est le fils d’un musicien qui épousa une amoureuse de la chanson française. Autant dire que le petit Arthur fut à bonne école dès son plus jeune âge. De quoi vivre la musique avant même de savoir marcher.
Arthrn est né et a toujours vécu à Montpellier. Il forge sa technique instrumentale grâce au piano. En parallèle, il enrichit ses influences en écoutant tout autant le rapper US Bones que Radiohead et Björk. Son premier grand souvenir de musique ? “Un concert de Pete Doherty à Alès avec mes parents et des amis, à l’occasion de la sortie de son album solo Grace/Wastelands.” Le jeune mec voit déjà loin. Il est très sensible au brio de Polnareff : “C’est un des rares artistes français qui a réussi à s’exporter. Il avait quelque chose de différent, d‘avant-gardiste. Très rapidement, il a compris que la musique était internationale. C’est un personnage marquant, un pur mélodiste.”
Muster : rassembler ses forces
En millenial qui ose s’intéresser à ce qui ne se dit pas, Arthrn n’en omet pas moins d’user des outils de sa génération pour rencontrer d’autres artistes en herbe et se faire connaître. Il diffuse ses premières compos sur les plateformes musicales telles que Soundcloud et Bandcamp. Il y croise ceux qui ont collaboré à la réalisation de son premier album Muster paru le 16 octobre 2020. “J’ai mis un peu plus d’un an à écrire, à composer et à produire Muster. C’est le premier album vraiment travaillé, avec un aboutissement. Avant ça, j’avais sorti pas mal de projets underground.”
Entre hip-hop, trip-hop, électro-pop et piano, Muster rassemble notamment NxxxxxS (prononcez N-Five-x-s), qui épaula Arthrn pour la réalisation, la vidéo, le visuel de l’album et sa distribution. Wit, l’un de ses très proches amis. Migu, à la composition des titres Ghost et When I Feel Alive. Mais aussi le rappeur US Sybyr, Bit$u, Shark, Jules Henriel et Timothée Joly. “Nous nous sommes tous rencontrés à la même époque, dans le même mouvement. On évolue côté à côte tout en menant nos projets solos en parallèle. Et ça fait plaisir lorsque l’un d’entre nous réussit. Ça motive.”
Arthrn : quand on se sent vivant
Si Arthrn confie avoir toujours été dans l’envie de créer, que ce soit par la musique ou par la vidéo, son approche se caractérise par sa capacité à dépasser l’outil. Ainsi, Muster est, selon ses propres termes, “un voyage subjectif dans un monde où toutes les atmosphères s’entrecroisent. Où on ne distingue plus le réel de l’irréel. Avec des transitions assez inattendues et une fin surprenante.” Un synopsis bien huilé qui trahit son passé de réalisateur de courts-métrages. Qui confère aussi une portée singulière aux messages qu’il partage dans certains de ces titres.
Going Slow : une quête de répit
“Il s’agit d’un Going Slow dans la vie en général. D’une sorte de ralenti. L’égo dans ce morceau est un peu forcé. Sans ça, je pense qu’on ne survit pas. Dans tous les domaines, outre celui de la musique, il faut penser que ce qu’on fait est le mieux. Même si on sait que ce n’est pas vrai. Il faut avoir ce surplus d’assurance en soi, même s’il est factice, pour continuer d’avancer. Si on dénigre son propre travail, si on persiste à ne pas croire en soi, ça nous mène inévitablement à la conclusion attendue.”
Arthrn : Ghost malgré lui ?
“Le fantôme, c’est moi. Les gens ne me voient pas. Je ne me montre pas beaucoup. C’est aussi le cas dans ma vie privée. Je ne sors pas des masses. Et je fréquente souvent les mêmes personnes. Je suis ce fantôme tout autant qu’un troisième observateur qui décrirait ce qui se passe devant ses yeux. C’est Migu qui m’a envoyé l’instrumental du morceau, en me demandant de chanter dessus. Je ne comprenais pas au début. Il chante beaucoup mieux que moi. Et la mélodie est vraiment belle. Finalement, je suis content du résultat et des paroles. J’ai du mal parfois à écrire les textes de mes chansons. Quand on pose des paroles, on pose aussi une direction. Et c’est vrai que j’aime bien laisser à l’auditeur la possibilité de comprendre par lui-même.”
Avoir le Profile ou pas
Derrière le rideau de son mobile home, Arthrn scrute le moindre mouvement. S’il avance être mauvais pour parler de son travail, que celui-ci doit pouvoir parler de lui-même, ce n’est ni par fausse modestie ni par suffisance. Au contraire, on perçoit chez le songwriter cette faculté à s’émerveiller face à ce qui lui échappe. “J’ai l’impression que mes créations vivent par elles-mêmes. Il y a cette chose qui nous dépasse dans la musique. C’est difficile à appréhender, à comprendre et à expliquer. Même si ça reste toujours intéressant de savoir le pourquoi du comment. De saisir les origines.”
Dans Muster, Arthrn partage finalement ce qu’il voit se produire dehors. Ce qui se produira, notamment, si la peur se propage encore. “Quand on se retrouve seul face à soi-même, on se confronte à plus de difficultés qu’on ne l’imaginait. Beaucoup de gens ont pu s’en rendre compte ces derniers temps. Ils ont eu du mal à le supporter et l’impression de “disparaître”. Je pense qu’il faut aussi savoir exister par soi-même. C’est quelque chose qui s’apprend, en traversant les épreuves de la vie qui ne se choisissent pas. Quand on a vécu longtemps sans l’avoir appris, c’est là que le choc peut survenir.”