Qui est-il ? Au jeu du chat et de la souris, Paul Barreyre se pose là. Si le jeune auteur, compositeur et interprète grenoblois cherche encore ses mots en interview, il les tisse avec une dextérité farouche dans ses chansons.
Paul Barreyre : ou quand Georges Brassens, Serge Gainsbourg et Claude Nougaro réunis eurent enfin trouvé un successeur digne. Ces références sont justement choisies pour illustrer, d’une part, ses propres influences. D’autre part, son interprétation, sa rythmique, son aptitude à (re)donner du sens à chaque mot dans cet écho à ces époques composées de grands peintres musicaux. Mais aussi et surtout, de sentiments qui n’échappaient à personne.
“J’ai grandi dans les Alpes. Mes premières émotions viennent de là et de la littérature”, exprime-t-il. “Je me suis construit tout un monde comme ça. Depuis, je suis épris de musique et d’arts.” Dans la solitude d’une randonnée au cœur de ses Alpes qu’il a toujours chéries, Paul Barreyre apprivoise l’insolence de sa plume. Sur les monts de Camus et de Nietzsche, il dompte une verve musicale qui fait des bonds, qui danse même. Qui sait étreindre. Comme c’est le cas dans son premier EP paru le 3 octobre 2019, À la surface. Entièrement autoproduit, il est un pied-de-nez à lui tout seul à tous ces textes qui ne diront jamais qui ils sont. Ni ce qu’ils disent vraiment.
Paul Barreyre : l’histoire d’une crainte
Alors, l’une des toutes premières questions que l’on se pose en l’écoutant est la suivante : pourquoi avoir attendu tant d’années avant de laisser s’exprimer sa rage de dire ? Il paraît que les talents prometteurs sont souvent ceux qui s’ignorent le plus. Alors, reste le “hasard” des rencontres pour qu’enfin ils se révèlent. Celui de Paul Barreyre porte notamment le nom de Dafné Kritharas. Depuis, elle et lui forment un duo sur scène et dans la vie.
Au-delà, il y a aussi cette créativité criant famine quand Paul Barreyre part à Sciences Po. Par conséquent, si “mes parents ne m’ont jamais découragé à faire de la musique”, son choix dévoile sa peur de la précarité. D’ailleurs, qui pourrait lui en tenir rigueur ? “Cette peur vient de moi”, confie Paul. “Depuis l’adolescence, je me disais qu’il fallait faire quelque chose de “sérieux”. En d’autres termes, faire un métier qui m’apporterait la stabilité que je recherchais.”
L’histoire reprend son cours
La musique et les mots de Paul Barreyre viennent de loin. De l’enfance, de la nature, d’un émerveillement, du manque de l’être aimé. De ces deuils qu’il ne fait qu’imaginer pour le moment et dont il parle pourtant si justement dans ses chansons, notamment dans Les sens. “Sans parler du fait que j’étais immergé dans la lecture du recueil de poèmes d’Apollinaire : Alcools. Ce qui explique la répétition de ce “coup d’épée” dans mon morceau”, explique-t-il.
À tout juste 27 ans, Paul Barreyre est à la croisée des chemins. Si le commissaire aux comptes qu’il est devenu a su contenter sa soif de stabilité, l’artiste qu’il a, au fond, toujours été semble de moins en moins épris de cette existence fragmentée. “Aujourd’hui, l’un de mes plus grands espoirs est de pouvoir arrêter mon travail pour me consacrer totalement à la musique. En effet, mon métier me prend beaucoup de temps. Et si j’ai l’énergie à mon âge d’être sur tous les fronts, avec le temps, j’aurai besoin de souffler. De pouvoir me consacrer pleinement à la composition et à l’écriture. Pour moi, pour d’autres aussi.”
2020 : un nouveau chapitre
Entre chanson française, jazz et musiques orientales, Paul Barreyre a fondé son propre style. Mieux : une identité que nombre d’autres pourraient jalouser à l’avenir. Et pour cause : son aplomb, son ressenti et sa technique musicale étonnent. En parallèle, ils rassurent, en ce sens qu’ils témoignent d’une volonté d’élever l’auditeur tout en usant de prises accessibles au plus grand nombre. Si tant est qu’on dispose effectivement de la curiosité suffisante pour les saisir.
Par les gammes qu’il travaille inlassablement à la guitare depuis l’âge de dix ans. Mais aussi par ses voyages dans les Balkans et au fin fond de la Turquie tout autant que par la frustration et l’urgence de création fruits de son métier chronophage, Paul Barreyre a conçu sa propre méthode pour se donner entièrement. Et demain toujours plus. Cette nouvelle année sera celle de sa sortie de l’ombre : la sienne. Ainsi retrouvera-t-il Clara Ysé sur la scène de la Boule Noire à Paris le 14 janvier prochain pour assurer sa première partie en guitare voix. “Mais sans un doute y a-t-il un être qui dans cette ville est plongé comme [vous] dans la foule” : voilà une belle opportunité de le sortir de sa torpeur. Histoire de verser ensemble Les larmes, quelques unes. Avant de s’agripper aux images dans le noir qu’elles feront surgir, puis de se perdre dans cet Étrange. Un second souffle de vie.
Paul Barreyre : Facebook | Instagram | Photo : Chloé Kritharas Devienne