Dans l’échancrure de son ciel, on distingue ses rêves de théâtre et de musique. Quatre ans après la sortie de son premier EP éponyme, quelques mois après celle de son single L’eau de rose, Thomas Louise est revenu en avril avec Écrans radar. Un titre qui annonce un nouvel EP à la rentrée, et surtout, son premier album à paraître en janvier 2020.
Dans l’histoire de Thomas Louise, ce grain de rien qui finit par tisser la trame de sa propre évidence. Celle d’un enfant conquis très jeune par les mots. Ils s’accaparent ses songes, ses colères et ses peurs. Voilà pourquoi il prend le parti de les dompter dès l’adolescence. Vouant une admiration profonde à son frère Guillaume habité par le théâtre, il décide pourtant d’arpenter d’abord le chemin de la musique. Accompagné de Mathieu, son autre frère guitariste, il forme ainsi le nouveau duo du moment. “Des concerts dans des bars parisiens un peu miteux. Un plaisir en dilettante, sans chercher à devenir des pros.”
À quelques bornes seulement de la vingtaine, les événements s’enchaînent. Mathieu se détourne et Thomas Louise poursuit seul sa route musicale. Il traîne ses guêtres à Pigalle, là où l’on trouve “toutes les petites boutiques de musique qui ont une âme.” Il finit par y rencontrer son premier instrument, “un vieux synthé dégueulasse que je ne me voyais pas acheter ailleurs, ni à quelqu’un d’autre qu’à l’un de ces vendeurs à la gueule d’ancien rockeur. C’était l’histoire que je me racontais.”
Passion par procuration
En parallèle, le théâtre le rattrape. L’envie de ressembler à son frère Guillaume est toujours présente. Il est comédien et deviendra aussi metteur en scène. Lui, Thomas Louise, vit donc la même passion par procuration. Jusqu’à la vivre finalement pour lui-même à sa façon. Comédien, musicien ? Il fait le choix de ne pas choisir. Ces auditions libres lui donnent l’opportunité de dévoiler l’une de ses toutes premières chansons. Elle lui ouvre les portes de la compagnie du Théâtre de la Vallée. Depuis, il y joue bien sûr. Il y enseigne aussi le théâtre à des élèves de tous les âges depuis déjà vingt ans. Et toujours en musique.
Thomas Louise : dans la musique d’un libre-causeur
En 2012, Thomas Louise est plus que jamais déterminé à faire son trou dans la musique. Elle est si proche de ce qu’il veut faire dans la vie. Et si loin au quotidien. Il ose publier sur le web ses premiers morceaux inspirés par Brel, Barbara et Daho.
Un Total Porno qui raconte, entre autres, “une fille qui se masturbe. À l’époque, j’écrivais des textes évocateurs. Je crois que je le faisais gratuitement. D’une part, pour me choquer moi-même et me dire qu’il y avait quelque chose à dire. J’allais au fond et j’en avais rien à foutre. D’autre part, pour attirer l’attention.”
L’approche est donc aussi de Gainsbourg. Mais à une autre époque. “Il y a chez Serge Gainsbourg une manière d’écrire, une intelligence du texte. Je ne me suis pas interdit d’écrire plusieurs chansons qui parlaient de cul à l’instar de Total Porno. Je l’ai fait et je crois que j’en avais besoin pour avoir les épaules plus solides, plus droites. J’étais profondément admiratif du travail de Gainsbourg, d’autant plus à cette époque que durant n’importe quelle autre. C’était une sorte d’obsession. Une volonté aussi de faire ma petite révolution sexuelle. Une fois qu’elle fut terminée, j’ai entamé mon époque romantique. Je ne l’ai plus quittée depuis.”
La rencontre
Les premières lignes d’une nouvelle page s’écrivent dès sa rencontre la même année avec le producteur de musique Marc Lumbroso (Jean-Jacques Goldman, Maurane, Vanessa Paradis, Keren Ann…), à la tête de son propre label Remark Records. Il est le premier à répondre à Thomas : “On ne s’est jamais plus quittés.”
En 2015, Thomas Louise finit par sortir son premier EP éponyme. On y retrouve certains titres de sa première tentative clandestine. “J’en suis très vite revenu de ce côté décadent exprimé dans Total Porno. En fait, j’ai réalisé qu’il y avait plus de choses à dire sur les sentiments, sur ce qu’on est quand on perd quelque chose, quand on vit une histoire d’amour, qu’on se replonge dans les souvenirs d’une histoire qui nous a marqué”, explique t’il. En 2017, il annonce sa signature chez Warner Music France. Son single L’eau de rose sort un an plus tard.
Pourtant, Thomas Louise et Warner se séparent cette année. “D’un commun accord”, précise t’il. Son premier album est terminé, il sortira en janvier 2020. Il eut carte blanche et l’opportunité de vivre une expérience inédite dans l’industrie de la musique. Avant d’ajouter : “Cet univers est compliqué et périlleux. Il faut savoir garder son intégrité, sa sincérité. On peut vite se laisser aller à devenir quelqu’un d’autre. Un artiste dans lequel on ne se reconnaît pas. Je n’avais pas envie de rentrer là-dedans, pas plus que ceux qui m’ont accompagné chez Warner.”
Thomas Louise : cet homme qui veut être heureux
Il est donc de retour chez Remark Records et sortira en septembre un nouvel EP, un avant-goût de son premier opus. La décadence est désormais émotionnelle. La fin des sentiments tutoie leur mélancolie. Entre parts d’ombre, clair-obscur et nuit lunaire, Thomas Louise perpétue son exploration du sombre. “Il m’attire naturellement. J’irais même jusqu’à dire que je le trouve sublime. C’est dans le sombre qu’on donne la partie de soi la plus complexe et la plus crue. La plus intéressante aussi. C’est à travers nos failles, nos démons, nos fantômes, nos figures d’amour noir qu’on parle le mieux de soi. Il y a quelque chose de pur là-dedans car on ne peut plus tricher. Il y a quelque chose de beau dans le désespoir car on n’a plus rien à perdre. Au risque de flirter avec l’impudeur de ce désespoir. C’est peut-être là que se situe mon côté romantique.”
En écho à William Sheller et à sa chanson Je veux être un homme heureux parue en 1991, on s’interroge sur les réelles ambitions de Thomas Louise pour lui-même. L’être à son tour, ou l’éviter de crainte que sa source d’inspiration se tarisse ? “Cette question est géniale. Moi, je veux être heureux. Et j’ai la chance de l’être déjà. J’en suis revenu de cette image de l’artiste qui crée dans le mal-être et la dépression. Cette espèce d’artiste maudit.”
Dans l’histoire de Thomas Louise, ce grain de rien qui finit par tisser la trame de sa propre évidence. L’une de celles qui sort des Écrans radar pour être ressentie pleinement. “Je me suis rendu compte que pour faire des chansons, il fallait juste travailler. Se mettre devant son piano après que j’ai déposé mon fils à l’école le matin. Et écrire, travailler comme le boulanger. J’aime cette perspective, ça me structure beaucoup. Alors oui, une fois que j’y suis, c’est vrai que je ne parle pas de choses très heureuses. J’écris pour parler de celles que j’ai vécues, que je fantasme. Pour m’inventer une vie aussi, mais seulement dans mes chansons.”
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