Sorti dans les salles mercredi, Premier Contact est le nouveau long métrage réalisé par le Canadien Denis Villeneuve. Si le film a été mal vendu, sa bande-annonce révélait malgré tout des bribes de son pouvoir d’attraction. Une attraction bien terrestre, fantastiquement humaine, explosant dans des décors tantôt minimalistes, tantôt naturels et grandioses. Pour une bonne gifle dans la figure du spectateur ayant su cerner l’aspect ovni d’une émotion pure.
Louise Banks (Amy Adams) enseigne les langues et leurs origines à l’université. Sa vie semble terriblement monotone. Elle vit dans une petite maison au bord de l’eau. Une demeure ouverte sur la nature, la lumière. Ainsi que sur sa mémoire. Les premiers instants qu’elle partage sont ceux passés avec sa fille, de sa naissance à son décès. Au bébé poupon dans les bras de sa mère succède la petite fille courant dans les herbes hautes pour échapper à ses chatouilles. Aux je t’aime de l’innocente fillette succèdent les je te hais de l’adolescente venant à peine de naître. Aux réconciliations succèdent les larmes de détresse. Sur un lit d’hôpital devenant celui de mort d’une gamine trop jeune pour mourir.
Louise encaisse, mais de son être se dégage une sorte d’abandon supplémentaire d’elle-même. Un fatalisme qui semble tourner en rond. Tout comme elle dans sa vie, jusqu’à leur arrivée à différents endroits du globe. Ils sont douze à se poser puis à ne plus faire de bruit. La nécessité de connaître leurs intentions envers les humains s’impose alors à tous les gouvernements du monde. Amis ou ennemis ? Avant de pouvoir répondre à la question, encore faut-il pouvoir communiquer avec eux. C’est ainsi que Louise se retrouve dans le même hélicoptère militaire que Ian Donnelly (Jeremy Renner), accroc aux sciences et à l’algèbre.
À eux deux, ils vont bouleverser les procédures étatiques et dépasser la peur de l’inconnu et l’ignorance. À elle seule, elle va initier la mutation de l’homme en se promenant sur le fil du temps par l’usage d’un langage inédit : jusqu’où la mènera-t-il ?
Contre-pied inattendu
Film écrit et réalisé d’après l’œuvre de l’auteur américain de science-fiction Ted Chiang, l’Histoire de ta vie, Premier Contact s’appuie sur les univers de références cinématographiques connectées à la SF révélant une singularité nouvelle une fois associées. On citera Contact (Robert Zemeckis), le premier volet de Cube (Vincenzo Natali), World War Z (Marc Foster), ainsi que l’un des précédents films de Denis Villeneuve lui-même, Enemy.
Néanmoins, mettez de côté les craintes d’un copier/coller facile et entêtant : on est très, très loin de ce genre de considération avec Premier Contact, qui se positionne au strict opposé des blockbusters régnant sur le genre et contant malheureusement trop souvent leur vide interstellaire à coups d’effets spéciaux à dix millions de dollars. Non, décidément, Premier Contact n’est pas un film comme les autres. Ce n’est pas que de la SF. Ce n’est pas non plus qu’un thriller, qu’une histoire d’amour, ou qu’un huis clos minimaliste. Premier Contact est une poésie, conjuguée à tous les temps.
Premier Contact avec votre existence
Et pour qu’une poésie puisse naître et perdurer ainsi, il faut a minima deux personnes : autrement dit, celle qui la ressent et celle qui la reçoit. Humain et extraterrestre : on perçoit grâce à la précision et à la sensibilité de Denis Villeneuve la confusion récurrente de ces rôles. Une mère et sa fille, une épouse et son mari, une surdouée du mot et le reste du monde. Amy Adams est époustouflante dans l’interprétation de son personnage, rivalisant avec celui de Margaret Keane dans Big Eyes qui lui allait pourtant comme un gant.
Un être, quel qu’il soit, et ses certitudes. Ses violences intériorisées, ses souffrances. Ses espoirs brisés, sa volonté défiée. Un être, des êtres, et la triste réalité. Le temps enseigne parfois trop tôt l’essentiel d’une vie. Parfois trop tard. Parfois jamais. L’idée de pouvoir perturber son cours pour le bien commun relève sans doute de l’utopie. Pourtant, il y a derrière cette mécréante rejetée – au fond – par tous une réflexion intense qui mériterait un jour qu’on s’y attarde. De fait, l’incurable ne serait plus un fléau que l’on ignore ou dont on se sert pour porter le coup de grâce. Et l’insaisissable, ce contre-sens rejeté par les formats menant à l’exclusion de sa possibilité. Dès lors, la comptine déjà chantée ne serait plus que la seule envie de pouvoir la chanter encore. Peu importe l’issue, si tant est qu’elle soit connue.