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Matt Holubowski | Face-à-face en solitaire

MATT HOLUBOWSKI SOLITUDES

La voix de Matt Holubowski joue avec des équilibres qu’elle réinterprète. Ses textes, avec des sentiments que l’on croyait connaître. Dans Solitudes, paru en Europe en mai dernier, l’auteur, compositeur et interprète québécois confesse une plénitude qui ne manque pas malgré tout d’interroger le monde, à sa manière.

Bonjour Matt Holubowski, et merci d’avoir accepté cette interview. Ton premier coup de foudre musical, c’était quand, où, et avec qui ?

Matt Holubowski : Salut Florian ! Mon premier gros moment en musique, c’était un titre signé par Deftones : Digital Bath. C’était après une grosse dispute avec mes parents qui avait chamboulé mes émotions de jeune adolescent. J’ai trouvé du réconfort dans cette chanson que j’écoutais en boucle à l’époque.

Ton père est d’origine polonaise. On a du mal à cerner les influences de sa culture dans ta musique. Qu’as-tu gardé de ses spécificités dans ton travail d’écriture et de composition ?

Matt Holubowski : Bien que je garde l’appétit d’un polonais et que j’ai un faible pour de la bonne bouffe de babcia (ndlr : de grand-mère), l’influence culturelle polonaise en est plus une d’éthique que de style. La rigueur de mon père et de ses parents, qui sont arrivés au Québec avec absolument rien et qui ont réussi à se créer une meilleure vie, est un modèle que j’applique dans mon travail d’écriture, ainsi que dans ma démarche artistique en général.

Est-ce pour cette raison qui tu lui as dédié le morceau La mer/Mon père dans Solitudes ?

Matt Holubowski : Effectivement, la chanson est dédiée à mes deux parents, qui ont tout donné et beaucoup sacrifié pour que je puisse avoir une belle vie. Bien que le chemin de la musique ne soit pas leur premier choix pour moi (classique pour des parents), ils ont fini par lâcher prise une fois que je réussissais à remplir mes obligations sociales, c’est-à-dire payer mon loyer.

matt holubowski london

Ton travail fait écho à celui de Bon Iver et de Junius Meyvant. Que t’inspirent ces deux artistes, artistiquement et personnellement ?

Matt Holubowski : Merci pour la découverte de Junius Meyvant, je ne connaissais pas ! Bon Iver est bien sûr un artiste que j’admire depuis longtemps. Je viens justement de le voir au Festival Bonnaroo au Tennessee : c’était exquis. Ce que Justin Vernon et les gens qui l’entourent m’inspirent, c’est une chose similaire que je retrouve chez certains autres de mes artistes favoris : Ben Howard, Radiohead, Sufjan Stevens. Il s’agit de l’audace de se réinventer, d’évoluer particulièrement alors que la pression est forte pour vouloir plaire au public qui veut juste entendre Skinny Love.

« Le ressourcement et la remise en perspective qui contribuent à mon plus grand bonheur ont été accomplis dans la solitude. »

Tu cites Bob Dylan comme forte influence dans ton songwriting. C’est quoi pour toi la chanson idéale ? Penses-tu l’avoir déjà écrite, ou est-elle encore à venir ?

Matt Holubowski : Chaque nouvelle chanson est la chanson idéale parce qu’elle sera pour moi une forme de catharsis. Toutes les chansons sont idéales alors oui, je l’ai déjà écrite, mais elle est encore à venir 😉 Pour ce qui est de Bob Dylan, c’est bien entendu une grande force poétique qui m’a souvent inspiré. Elle m’a encouragé à trouver les plus belles images pour décrire ce que j’ai envie de dire.

Deux ans se sont écoulés entre la sortie en septembre 2016 de ton second album Solitudes, et celle en juillet 2014 de ton premier opus Ogen, Old Man. Et deux ans supplémentaires jusqu’à la distribution de Solitudes en Europe en mai dernier. Un troisième opus est-il déjà en cours de préparation ?

Matt Holubowski : Je suis en tournée sans cesse ! L’Europe est arrivée tard dans le processus en effet. Je vise 2019 pour la parution de mon prochain album. J’ai vraiment besoin de pouvoir m’asseoir, autrement dit, de prendre le temps, d’écrire. Quand la tournée est aussi exigeante qu’elle l’a été depuis deux ans, je trouve ça difficile de me concentrer sur la création. Une chose à la fois comme on dit !

matt holubowski live

De nombreux évènements ont eu lieu à l’international depuis 2014. Certains heureux, d’autres dramatiques. Pourrais-tu me citer un évènement heureux ayant eu lieu depuis et qui t’a marqué, et un malheureux qui t’a le plus bouleversé ? T’ont-ils inspiré d’une façon ou d’une autre pour Solitudes ?

Matt Holubowski : Heureux : intéressant de constater que j’éprouve de la difficulté à en trouver. Je dirais que je suis plutôt heureux de voir le cheminement d’Elon Musk et ses compagnies qui travaillent pour l’innovation technologique et écologique. Malheureux : le conflit en Syrie et l’élection de Donald Trump. Ces événements ont inspiré respectivement A Home That Won’t Explode et Opprobrium sur Solitudes.

Justement, en écho à ton titre Opprobrium, Voltaire disait : « La vie est un opprobre, et la mort un devoir« . Selon toi, parmi ces Solitudes qui ont donné son nom à ton nouvel album, en existe-t-il une qui puisse se justifier plus qu’une autre ?

Matt Holubowski : Bravo, c’est la première fois que quelqu’un me cite Voltaire dans une interview ! Mon étude de la solitude sur ce disque avait en fait l’objectif de démontrer qu’une solitude ne se justifie pas plus qu’une autre. Que toutes sont simplement des manifestations différentes de la condition humaine. L’idée était de trouver un sujet qui serait commun à tous. Là où les artistes se servent de l’amour ou de la mort comme de sujets rassembleurs, moi j’ai choisi la solitude. Bien sûr, celle-ci inclut la tristesse qu’elle peut faire vivre à une personne. Même si je crois que la solitude n’est pas forcément une chose négative. Le ressourcement et la remise en perspective qui contribuent à mon plus grand bonheur ont été accomplis dans la solitude.

Es-tu plutôt du genre à bien vivre ta propre solitude, ou à la fuir dès que tu le peux ? Pourquoi ?

Matt Holubowski : Les deux. Ça dépend de la période dans laquelle je suis. Quand je suis constamment entouré de gens, chose qui fait partie de mon métier, la solitude est la chose que je désire le plus. Par contre, le retour de tournée est généralement accompagné d’une retombée d’émotions, d’un genre de « down » qui nécessite que je sois bien entouré de mes proches. Bref, comme tout le monde je crois ! Mais je dirais quand même que mon âme requiert plus de solitude que la moyenne des gens.


Matt Holubowski : site officiel | Photos : La Petite Russe (header), Dominic Gendron (live)

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