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Animali | Récits alternatifs

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Après un premier EP, The Spark and Three Other Poorly-Produced Pieces of Music, sorti en mars 2014, puis un second, This Plane’s Going Down, Are We All Gonna Die ? paru un an plus tard, Animali n’avait pointé à nouveau le bout de son nez qu’en décembre 2019 avec le single Genetic Bomb. Celui-ci annonçait son grand retour. Ce sera finalement le 12 juin avec la révélation de Mary D. Kay, son premier album. Rencontre avec Benjamin pour nous en parler.

Bonjour Benjamin. Tu formes le duo lyonnais Animali avec Julien Jussey. Quel souvenir gardes-tu de ta toute première rencontre avec lui ?

Benjamin Richardier : Nous nous sommes connus lors de notre rentrée en 6ème, en 96-97. On n’a pas trop trainé ensemble jusqu’à la 3ème. En fait, c’est durant un voyage scolaire en Angleterre qu’on a réalisé qu’on aimait la même musique. Le rock avant tout le reste. En parallèle, nous jouions tous les deux d’un instrument. À partir de là, on ne s’est plus trop lâchés. On a essayé par tous les moyens de se faire remarquer dans des genres musicaux très différents. Et avec plus ou moins de goût et de succès.

Quel est le groupe ou l’artiste qui vous a instantanément réunis ?

Benjamin Richardier : Radiohead. À l’époque, on découvrait ensemble OK Computer. On l’a écouté en boucle pendant plusieurs années. C’est le genre de disque qui te fait éprouver des choses fortes. Surtout à cet âge où tu es impressionnable. Je me rappelle que j’aimais particulièrement la fin des morceaux (Karma Police, Exit Music, Paranoid Android…). Je ressentais un truc quasi systématique. Malheureusement, ce genre de ressenti musical se fait rare en avançant dans la vie. Je pense que c’est ça qu’on recherchait en faisant de la musique et en créant Animali. Ressentir ça avec notre propre musique, et voir si on pouvait le faire ressentir aux autres.

La musique est-elle votre seul métier ou avez-vous d’autres occupations professionnelles pour faire bouillir la marmite ?

Benjamin Richardier : Julien est producteur, réalisateur et ingé son. Il est bigrement compétent ! C’est lui qui réalise nos disques. En parallèle, il bosse avec plein d’artistes talentueux. Il a repris les studios Mikrokosm à Lyon. C’est aussi un musicien accompli qui joue les porte-flingues pour Leroy Burgess, sévit dans le Grolektif et anciennement dans Erotic Market. Quant à moi, je suis traducteur pour des ONG. Je reconstruis aussi une maison beaujolaise en m’occupant de mon fils et en écrivant de la musique pour des amis.

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Quelle a été votre formation musicale respective ?

Benjamin Richardier : Julien a une double formation en piano classique et jazz au Conservatoire de Lyon. Il joue également de la guitare, de la basse et de la batterie. Moi, j’ai appris la guitare avec un prof. Puis rapidement tout seul et avec Julien dans des groupes. On a tous les deux commencé à chanter dans nos projets, sans formation particulière.

Vous avez 35 ans tous les deux. Enfin, Julien les aura bientôt. Quel regard votre génération porte-t-elle sur la société actuelle ?

Benjamin Richardier : On s’est construits ensemble politiquement, par effet de proximité. Nous pourrions nous définir comme adhérant au courant de la gauche révolutionnaire. Cela donne une vague idée de ce qu’on pense des institutions et des dirigeants actuels. La période présente est porteuse, sinon d’optimisme, au moins d’une certaine curiosité. Peut-être une possibilité de bifurcation ? Chacun sait que ces choses ne se résument pas en trois lignes, mais sur un coin de table avec de l’alcool.

Quel est l’événement qui vous a énormément inspirés ces cinq dernières années ? Et au contraire, celui qui vous a profondément bouleversés ?

Benjamin Richardier : Je ne vois rien qui se soit passé de terriblement inspirant ces dernières années. C’est probablement plus pour cause d’œillères que par manque de génie créatif ambiant. En réalité, notre attention s’est peut-être légèrement décentrée des “évènements” ces dernières années. J’ai eu un enfant, ça doit jouer. Des choses qui devraient nous bouleverser, il y en a tant. Mais qui trouve encore le temps d’être bouleversé ?

Quel regard portent les artistes et les hommes que vous êtes sur la façon dont l’épidémie de coronavirus a été gérée en France, notamment par le gouvernement ?

Benjamin Richardier : On pense, et surtout, on espère que Macron et sa clique se prendront la volée de bois vert qu’ils méritent pour avoir tout cassé malgré les protestations. Et ce, avant d’être lamentablement rattrapés par les faits. Certains exemples dans le monde nous montrent qu’on aurait pu faire bien mieux, éviter un confinement strict, pas mal de morts… La Macronie a semblé penser que les Français n’étaient pas prêts à consentir les restrictions de liberté nécessaires pour y parvenir. J’ignore si c’est vrai. En tous les cas, ils n’étaient pas prêts à mettre en œuvre les moyens nécessaires. Manque de lits et de moyens dans les hôpitaux, pas de stocks suffisants en masques, pas de capacités de test, déclarations contradictoires, mensongères ou délirantes, notamment de Sibeth Ndiaye. Tout ça ne devrait pas rester sans conséquences.

« Des choses qui devraient nous bouleverser, il y en a tant. Mais qui trouve encore le temps d’être bouleversé ? »

Selon toi, quels changements suppose cette situation quant aux modèles actuels ? Penses-tu que ces changements auront finalement lieu ?

Benjamin Richardier : Voilà la question fondamentale… Je ne crois pas que le capitalisme porte en lui une dynamique de réforme de ce qui ne serait que des “travers” ou des “excès”. Ce que l’on voit là (la destruction du monde vivant, la casse sociale, etc) correspond au déploiement de sa dynamique interne. À cet égard, la “croissance verte” semble être le dernier piège qu’il nous tendra : “Vous referez bien un dernier tour ? Vous verrez, nous repeindrons tout en vert.” Ou bien alors il faut changer, du tout au tout. Décroître très significativement du point de vue de notre consommation matérielle. Travailler également à une décroissance démographique, en douceur. Changer nos affects et nos désirs. Remplacer les institutions capitalistes par des institutions communistes. Une piste intéressante, et qui a l’avantage d’être macroscopique, est celle de Bernard Friot. C’est un travail colossal, et qui a l’immense désavantage de devoir se déployer au sein des structures institutionnelles présentes – celles du capital – et de devoir composer avec l’hostilité générale de leurs représentants. Médias y compris. Il suffit de voir les réactions que provoque une proposition aussi peu révolutionnaire que celle de la France Insoumise pour s’en convaincre. Le changement, ça n’est pas pour demain. Mais il faut penser, espérer, créer, proposer des récits alternatifs… Alain Damasio parle de ça magnifiquement bien.

En quoi le prochain album d’Animali, Mary D. Kay, est-il connecté aux réalités inédites à considérer et celles à initier ?

Benjamin Richardier : Certaines des thématiques que nous abordons sont celles de la “sainte trinité” des risques mondiaux du moment. Telle que relayée ces dernières années par Noam Chomsky (citant le Bulletin of Atomic Scientists) : le risque d’escalade nucléaire, les changements climatiques et les risques technologiques ou liés à des pandémies mondiales (sic). Par pessimisme, flemme ou parce que le format de nos chansons ne s’y prête peut-être pas, nous sommes moins présents sur le terrain des réalités à initier !

Dans quelle mesure Mary D. Kay reflète-t-il votre évolution quant à vous-même, à Animali et à ce qui vous entoure ?

Benjamin Richardier : C’est notre premier album. Nous avons mis quatre ans à le sortir et on peut dire qu’il est pétrit dans la masse de nos évolutions. Évolutions politiques, familiales, sentimentales, géographiques. Musicales aussi : certains morceaux ont été réécrits plusieurs fois, dans des styles très différents. Évolutions dans la production : on a simplifié pas mal de choses dans notre musique, avec moins de parties différentes, moins d’effets. Résultat : la production est globalement plus soignée. Enfin, évolutions matérielles : Julien est un fou de matos. Instruments, préamplis, effets, consoles: ça tourne pas mal au studio !


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