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Château Forte | L’oraison d’un feu follet

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De son propre aveu, il s’agissait de sa toute première interview. À l’autre bout du fil, la demoiselle se révèle malgré la réserve, un tempérament de feu, l’indécision, l’inattendu. Lola-Lý forme avec Clément le duo Château Forte. Le 3 juin 2020, ils ont partagé Tombe encore, un second single frémissant.

Il y a, dans cette nouvelle génération d’auteurs, compositeurs et interprètes français, des rêves d’engagement bien plus que de conquête. Et il y a aussi, dans les expériences nourrissant leurs gammes et leurs rimes, une conception de l’autre et du temps semblant vouloir revenir à l’origine. À cette époque où l’on ne travestissait pas, où les Artistes disaient les choses. Et durant laquelle cette approche suffisait à se faire entendre. Sans surcouche, sans parti pris, sans être aveuglé ni faire la sourde oreille. Il y a, dans cette nouvelle génération d’auteurs, compositeurs et interprètes français, un espoir de vivre autre chose. Comme en témoigne Château Forte.

Auprès de Clément, un musicien parisien à la trentaine un peu entamée, Loly-Lý tricote ses vers à la manière d’une faiseuse de comptines pour adultes. Elle a seulement 26 ans, mais sa voix tout comme sa gravité la trahissent. Ainsi, derrière son allant, on distingue une femme voyageuse, sensible, à la nostalgie bagarreuse. C’est à l’âge de quatre ans qu’elle connaît son premier grand émoi musical lors d’un concert classique. La gamine est hypnotisée par les violoncellistes de l’orchestre. « J’avais l’impression que leur archet était accroché à leur corps. La structure de l’instrument m’étonnait. » Elle en fait son instrument fétiche trois ans plus tard. La voix, elle, viendra après, au Conservatoire non loin de Montreuil. Solfège et chant lyrique rythment son quotidien jusqu’au Bac.

Prendre ses distances puis reconsidérer

Exit le Conservatoire, la musique, même. Lola-Lý en a marre. Elle tourne une page en quittant Paris pour Strasbourg. L’Alsace est son nouveau pays de Cocagne, un territoire inconnu pour tous ses autres fantasmes. Elle y suit des études supérieures en arts décoratifs. Rien à voir, et pourtant. Cette expérience inédite la met sur la voie de ses prochaines exigences à l’égard d’elle-même et qu’elle ignore encore. Entre autres, celle de percer le mystère de ces liens capables de connecter toutes les formes d’expression de sa créativité. Une fois son diplôme en poche, direction Marseille. Voilà un an que Lola-Lý y a élu domicile. Visiblement, la cité phocéenne ne manque pas de charmes pour divulguer le secret que l’héroïne recèle.

« Aujourd’hui, je me rends compte que mes années au Conservatoire m’ont énormément apporté », confesse-t-elle. « Du coup, je n’ai plus envie de tout mettre de côté. Tout ça a construit celle que je suis. » Novembre 2019 : Château Forte partage À moitié chiens. Un premier single qui ne manque pas de mordant. Il s’agit de l’histoire d’une relation ancienne qui, avec le temps, s’est transformée. Mais en réalité, il s’agit aussi et surtout de l’exposition, au grand jour, d’une femme, de son partenaire, de leur singularité. Château Forte, c’est d’abord un grand texte, parti de rien, qui nous fait pénétrer dans une intimité vécue hier. Qu’on regrette, à laquelle on sourit en y repensant.

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Château forte : retrouver le temps

Château Forte, c’est aussi un souvenir qu’on a su garder bien vivace. La voix de Lola-Lý, toujours, faisant résonner les paroles de sa prof de chant de son collège. « Elle nous expliquait que si nous voulions monter haut, il fallait savoir aller dans les graves. Naturellement, j’ai une voix assez grave quand je parle. Du coup, je n’ai pas trop de difficulté à y aller. Mais c’est avant tout un vrai plaisir pour moi. Et ce, même si je suis soprane en réalité. J’ai toujours l’impression de faire un peu du violoncelle quand je descends dans les graves. » La voix de Lola-Lý, encore, en écho à celle d’une Patricia Kaas ou d’une Catherine Ringer.

Sa petite voix, enfin, trottant dans son esprit dans les rues de Porto Alegre au Brésil. Dans cette nuit amoureuse, il y a trois ans, elle reprenait le chemin de la musique et de l’écriture. Elle écrivait les lignes de Tombe encore, le second single de Château Forte dévoilé le 3 juin dernier. Et ce, après moult tumultes intérieurs et un Clément aux abois tant la chanson était belle. Allant jusqu’à repasser dessus pour tenter de convaincre la belle de la partager avec le plus grand nombre. Il fit bien, très bien même. Dans un clair-obscur tendre et fascinant, la chanson nous fait passer des bras de cet amant qu’on aimerait à nouveau avoir à nos côtés. À ces proches qui nous ont quittés. Entre amour et mort, les sentiments se réveillent, les poils se dressent. Et la vie, dans son entièreté, retrouve toute sa noblesse.

Maintenant avant l’après

En passe de quitter son job de cuistot dans un bar marseillais, Lola-Lý repense à ces derniers mois passés en confinement. « Cette période m’a encouragée à m’investir dans des choses qui m’intéressent vraiment. J’ai vécu dix jours durant lesquels j’étais toute seule chez moi. Je me suis rendue compte du poids de l’isolement. De l’importance du lien social. » Prendre le temps de réfléchir, de bouquiner, d’être aux côtés des autres. Poursuivre sa quête pour unifier sa démarche créative initiée dans la musique, l’écriture, les performances, les collectifs. « Je n’arrive pas encore à en former un ensemble solide. Mais je sais que ça viendra. »

Si elle n’est pas encore prête à se mettre complètement à poil pour Château Forte, en préservant notamment son anonymat, Lola-Lý a su d’ores et déjà, avec Clément, mettre ses tripes sur la table. Quand la détresse rencontre les mots pour exprimer toute la profondeur de la beauté qu’elle renferme, ces mêmes mots se muent en souhaits au-delà des ondes. Ils bâtissent une volonté, offerte à l’autre, de creuser en lui sans se perdre. Ainsi que l’oraison d’un feu follet qui invite à aimer la vie pour ce qu’elle est. Cet été, au cœur du Parc du Mercantour à Entraunes, laissez-la entrer dans la vôtre à l’occasion de la sixième édition du Festival circassien organisé par le collectif Chapacans. Château Forte s’y produira le 7 août pour son tout premier concert.


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