Après la sortie en 2013 de son premier EP Blue, puis celle de Green en 2015, Ondine Horseas a révélé Soum’bayo le 14 septembre dernier. Le titre de ce nouvel opus est tiré d’une langue imaginaire, dédiée à partager avec son public le large éventail de ses origines.
Ondine Dispagne, bonjour, et merci d’avoir accepté cette interview. On te connaît mieux sous ton nom de scène : Ondine Horseas. Pourrais-tu commencer par me citer un élément de chacune de tes origines qui puisse nous aider à décrypter cette langue imaginaire que tu dévoiles dans ton dernier EP Soum’bayo ?
Ondine Horseas : Bonjour Florian, merci à toi aussi ! J’adore ta première question. D’ailleurs, elle pourrait rester ainsi (sourire). Je crois que j’ai sous-estimé l’impact de Soum’bayo. Cet EP sort de mes tripes. On y retrouve effectivement beaucoup de ce qui me compose, ces gênes que je porte et qui ont fait le tour du monde. Ce serait hasardeux et présomptueux de chercher à déchiffrer ce qui s’y cache. Je préfère respecter le message que mes ancêtres ont communément voulu transmettre, et me délecter de voir tout un chacun s’y retrouver, s’y sentir bien, sans qu’il ne puisse expliquer vraiment pourquoi. Le titre EP Soum’bayo m’est venue comme ça. Il y a de l’africain, ou plutôt de l’afro-caribéen, du berbère et de l’irlandais dans cette chanson. Et quand tu tapes “soumbayo” sur Internet (ce que j’ai fait quelques mois après avoir composé ma chanson), tu tombes sur l’album de Djip, un musicien de reggae qui, comme par hasard, a comme moi des origines sénégalaises et martiniquaises ! Le rapprochement est si précis qu’il rend la coïncidence vraiment incroyable !
En effet. On sait que ton prénom fut choisi au large des côtes bretonnes par tes parents, lors d’une croisière en voilier. On sait que tu as choisi ton nom de scène, Horseas, pour imager ta connexion avec l’eau et la terre. Ce qu’on sait moins, c’est ce qui se cache sous la surface de tes océans. Par exemple, quel sont les événements personnels qui alimentent la mélancolie exprimée dans des titres comme Leave Him, Go ! ou All Around ?
Ondine Horseas : Ces deux chansons évoquent deux amours, l’un perdu, l’autre trouvé. Leave Him, Go ! retrace un deuil affectif auquel j’ai dû faire face il y a deux ans. J’ai dû alors retrouver l’amour, autre part : on ne peut clairement pas vivre sans amour. Je l’ai trouvé dans cette beauté simple et inconditionnelle qu’offre la nature. All Around parle de ce bien-être que l’on ressent au contact de celle-ci. Elle évoque aussi cet amour retrouvé en soi, alors que l’autre est parti.
Au quotidien, à quoi ressemble la vie d’une naïade viking dans le monde de 2018 ?
Ondine Horseas : (rires) Décidément, tu m’as bien cernée ! Et bien, je dirais que c’est épuisant (rires). Mais c’est génial à la fois. J’ai l’impression d’avoir une vie atypique, où la liberté prime sur la conformité. J’essaie surtout de réaliser ce que je suis, d’être la plus sincère avec moi-même, par rapport à ce que j’ai expérimenté jusqu’ici en ce monde, et par rapport à ce que mes ancêtres m’ont légué. Je ne me positionne pas par rapport à la voie principale montrée du doigt par ce monde. Je me positionne par rapport à ce qui me semble juste pour moi.
As-tu toujours été une musicienne à plein temps ?
Ondine Horseas : Après des études d’ingénieur en électronique et en informatique, une spécialisation en microfluidique (les débuts des nanotechnologies) en dernière année, j’ai d’abord travaillé en tant que programmateur puis intégrateur système dans une entreprise française qui fabrique des automates d’hémostase. En gros, il s’agit de machines qui reçoivent des tubes de sang centrifugés et qui les analysent. Puis j’ai complètement changé de filière. Je me suis à nouveau formée pendant une petite année pour étudier le fonctionnement de la sécurité ferroviaire. J’ai occupé plusieurs postes à la SNCF, des postes de direction sur des chantiers de fret ou en gare, puis plus récemment, un poste de chef d’escale à Lille. C’est lui qui m’a le plus plu de toute ma carrière d’ingénieur. J’aimais son côté opérationnel : je préfère faire avec les autres plutôt que de seulement leur dire ce qu’ils ont à faire. Jusqu’à cet été, j’étais encore salariée. Mais je viens d’arrêter. J’ai pris un congé pour créer mon entreprise. Je souhaitais pouvoir disposer de tout mon temps pour mener les projets qui ont du sens pour moi aujourd’hui, à savoir la musique et l’apnée. J’espère pouvoir gagner ma vie d’ici quelques années en conjuguant mes deux passions. Comme me l’a dit récemment un ami, j’ai trouvé mon Ikigai (ndlr : équivalent japonais de la joie de vivre, de la raison d’être) : je ne peux plus reculer à présent !
Quels sont les trois actualités récentes qui t’ont particulièrement touchée, au point de débuter l’écriture de chansons inédites pour exprimer tes ressentis à leur sujet ?
Ondine Horseas : Je n’écris pas souvent par rapport à l’actualité. Je ne l’ai fait qu’une fois, c’était après les attentats de Charlie Hebdo en 2015. Cette chanson s’appelle Drama, elle est en quatrième plage sur mon EP Green. Ce jour-là, j’ai mesuré la chance que nous avons d’être libres, et en même temps, j’ai réalisé que celle-ci pouvait être annihilée en une fraction de seconde. Aujourd’hui, les actualités qui me donnent envie d’écrire, et surtout d’agir, sont celles qui mettent en évidence la fragilité de notre planète et celle de notre humanité. Les machines ayant remplacé les hommes, ces derniers devraient à mon sens consacrer une partie de leur temps de travail à rendre à leur maison bleue ce qu’elle leur a donné. Les entreprises devraient payer pour ça. Et cela aurait un double impact : sauver notre planète et sauver notre humanité, car les liens entre l’homme et la nature, et entre les hommes, sont en perdition dans nos sociétés développées.
« J’ai l’impression d’avoir une vie atypique, où la liberté prime sur la conformité. J’essaie surtout de réaliser ce que je suis. »
Musique celtique, rock américain et british, world musique, folk : tes influences sont aussi nombreuses et variées que les genres que tu combines. S’il existait une chanson capable de décrire ton univers le plus précisément possible, laquelle serait-elle et pourquoi ?
Ondine Horseas : Whaou, ça c’est très difficile comme question ! Mais ce serait sans doute une chanson d’Alanis Morissette. Je me suis intensément identifiée à cette artiste quand j’étais ado. Je me suis beaucoup inspirée de sa manière de chanter. J’adore l’énergie qu’elle dégage sur scène. Où que tu sois dans la salle, tu es sûr de la voir toutes les 10 secondes ! Il faut assister à l’un de ses concerts pour comprendre (sourire). Je choisirais sa chanson Uninvited, pour son atmosphère à la fois dérangeante et envoûtante.
Au-delà de te servir de la musique pour lâcher-prise, changer le monde, quelle est l’autre raison t’ayant poussée à écrire et à composer ?
Ondine Horseas : J’ai composé ma première chanson en 2004. Je faisais alors des études en Suède. Partir loin de chez moi pour la première fois et pour longtemps, a ouvert une porte en moi. Je ne me suis jamais dit : “Tiens, je vais écrire et composer maintenant.« Ça m’est tombé dessus. Ce que je retiens surtout, c’est que m’exprimer musicalement a été pour moi un moyen de faire sortir tout ce que je contenais intérieurement, tout ce qui m’avait blessée.
Toi qui, depuis Blue, n’écris qu’en anglais, quelle est LA chanson française que tu souhaiterais égaler pour pouvoir te convaincre de sortir, à ton tour, de futurs titres en français ?
Ondine Horseas : C’est vrai que je baigne depuis toute petite dans le rock anglo-saxon et la musique folk américaine. Il y avait bien un peu de Maxime Le Forestier et de Graeme Allwright qui passaient à la maison, mais ils m’ont moins influencée. En fait, l’anglais a été pour moi une langue refuge lorsque j’étais adolescente, une langue dans laquelle j’ai fait “ma crise”. Elle est une langue d’émancipation, un langage chiffré aussi grâce auquel je peux exprimer des choses sans trop me dévoiler. Depuis quelques temps maintenant, c’est vrai que je commence à penser au français. Pour l’artiste, je citerais Camille et sa chanson Fontaine de lait. J’aime sa créativité, tant dans l’écriture que dans la composition, sa palette sonore sans limite et sa diction. J’admire son ingéniosité à faire de si belles choses en juxtaposant “simplement”des voix et des percussions. Dans un monde où les machines remplacent également les hommes sur scène, elle fait toute sa place à l’humain et à tout ce qu’il a de merveilleux en lui.
Tu es de Marcq-en-Barœul. Depuis tes débuts, et si je ne me trompe pas, malgré une date en Martinique pour la sortie de ton nouvel EP et une autre en Belgique, tu ne t’es produite que dans le Nord-Pas-de-Calais. Peut-on s’attendre à une tournée élargie en 2019 ?
Ondine Horseas : Oui c’est tout à fait ça, en ajoutant ma date en Irlande l’an passé. J’aimerais beaucoup jouer dans d’autres régions ! Nous sommes nombreuses et nombreux à vouloir nous exporter. Seulement, il y a très peu de places. Au stade où j’en suis, remporter un tremplin national pourrait me permettre de jouer ailleurs. Il se peut aussi que j’arrive à convaincre un ou plusieurs petits festivals estivaux. Si l’occasion se représente, j’adorerais aussi retourner chanter dans des îles. Je pourrai alors conjuguer mes deux passions : la scène et l’eau !
Ondine Horseas : Site officiel | Facebook | Photos : Sylvain Bes (header), Éric Flogny (portrait) & Fran Guérin (live)