Au bord du Rhône, le duo Azajilly formé par Jil Troin-Guis et Alexandre Anikine voit s’écouler les jours. Dans un antagonisme qui reflète tout autant leur intériorité et leur approche expansive, ils composent leur musique. Des sons transformant l’illusion en un romantisme palpable. Rencontre avec un duo dream pop qui s’éveille, à quelques jours de la sortie de son nouveau single : L’île d’or. Et de son prochain concert au festival Emergenza à Romans.
Bonjour Azajilly, et merci d’avoir accepté cette interview. Et si vous commenciez par vous présenter ?
Alexandre Anikine : Salut Florian, merci à toi pour cette invitation ! J’ai 34 ans. Avant, j’étais technicien informatique. Côté musique, avant Azajilly, j’ai co-composé le titre Gloria du groupe Indochine. C’était en septembre 2017 à Grenoble.
Jil Troin-Guis : Salut Florian. Et bien moi, j’ai 26 ans. Après avoir décroché mon master en direction artistique de projets culturels, j’ai travaillé dans l’événementiel et la communication à Antibes.
Dans quelles circonstances vous êtes-vous rencontrés ?
Jil Troin-Guis : Nous avons créé tour à tour un projet musical avec un ami en commun, musicien à ses heures. C’est grâce à lui que nos chemins se sont croisés. Puis Alexandre et moi, nous sommes devenus amis. Le projet Azajilly est né au début de l’année 2018.
À quoi ressemble votre relation artistique et personnelle au quotidien ?
Jil Troin-Guis : Il y a quelques mois, nous avons décidé il y a d’emménager en colocation dans un endroit un peu perdu pour créer notre résidence artistique idéale. Elle est située entre Lyon et Valence. C’est la maison Azajilly. Le salon est en fait une grande salle de répétition et un studio. Parfois, il nous arrive même d’y peindre ! D’un côté de la maison, il y a les usines qui crachent beaucoup de fumée, les centres commerciaux, l’autoroute. Et de l’autre, il y a le Rhône, des cygnes et plein d’autres oiseaux. Une île protégée aussi, c’est très bucolique…
Alexandre Anikine : En fait, deux extrêmes se côtoient. D’un côté notre enfer, et de l’autre notre paradis. L’espace de travail est au milieu, entre deux eaux. Cet environnement nous inspire beaucoup pour nos créations. On y est assez isolés : ça permet de belles expérimentations musicales.
Comment s’organisent-elles ?
Jil Troin-Guis : J’écris les textes de mon côté. Ensuite, Alexandre fait des recherches de sons au synthé. Il trouve une boucle qui lui plait et me la propose. Ainsi, je commence à tisser texte et mélodie. De nouvelles idées surgissent, je surenchéris. Petit à petit, la chanson se construit.
Alexandre Anikine : Finalement, je m’occupe du mixage, tandis que Jil va sur l’île pour filmer. Nous sommes très complémentaires.
Quelles sont les trois grandes références artistiques qui vous influencent depuis toujours, et pourquoi comptent-elle à ce point pour vous ?
Alexandre Anikine : Burial, Grouper et Broadcast. Entre futur bass, shoegaze, et psyché… Ces références m’ont beaucoup aidé à surmonter les épreuves de la vie. En fait, la musique est une thérapie pour moi. Lorsque je tombe sur un morceau qui me fait du bien, il n’est pas rare que je l’écoute en boucle pendant des jours.
Jil Troin-Guis : Mazzy Star, Daughter et Beach House. Melody’s Echo Chamber aussi. Des voix de nanas qui ont quelque chose de simple et pur. Avec toujours ces ambiances qui me laissent rêveuse. Écouter de la musique me plonge dans une bulle où tout est en suspens. Les émotions y sont décuplées. Il s’agit alors pour moi de ressentir à fond, pour ensuite prendre du recul.
Alexandre Anikine : Au-delà de nos références musicales respectives, il y en a aussi d’autres qui nous inspirent beaucoup pour nos clips. Mustang et Virgin Suicides pour la féminité, l’attente, l’expression d’une certaine forme de fatalité. Mais aussi Mr Nobody, Eternal Sunshine of the Spotless Mind pour ces amours décalés et sublimes. Pour ces questionnements autour du temps et la mémoire aussi.
La trame du début du récit d’Azajilly, à travers vos deux premiers singles Escape et Les oiseaux de Mars décrit les contours d’un message singulier. Quel est-il ?
Jil Troin-Guis : Escape est un des morceaux en anglais que nous avons créé quand on se cherchait encore. On l’a gardé car il représente notre construction. On aime bien le clip et nos images avec la danseuse.
Alexandre Anikine : C’est différent avec Les oiseaux de Mars. Ce titre illustre notre orientation dream-pop qui se dessine. Les textes en français sont venus naturellement à Jil, du fait de toutes ces nuances que la langue suppose. C’est très riche, elle a eu beaucoup plus de liberté pour exprimer son imaginaire.
« À travers l’image, les textes, c’est comme si j’essayais sans cesse de capter un instant de grâce qui, par essence, est éphémère. Qui s’échappe toujours, inexorablement. »
Jil Troin-Guis : Exactement. D’ailleurs, ces titres sont comme plusieurs chapitres d’une histoire, d’un monde sensible et onirique construit à partir de nos expériences, mêlé à ce qu’on ressent ici dans cet environnement paradoxal. On l’appelle notre île aux oiseaux. Ce qui est drôle, c’est que je sois née sur une île, celle de Saint-Martin.
Alexandre Anikine : Et moi, j’ai grandi dans un quartier qui s’appelle « les îles de Mars ».
Jil Troin-Guis : Le titre Les oiseaux de Mars s’est construit avant qu’on se rende compte de ce lien. Il y a plein d’autres coïncidences sympa autour du projet Azajilly. Du coup, ça fait encore plus sens.
Vous évoquez à l’instant votre passé. Mais existe-t-il une époque que vous auriez voulu connaître plus que la vôtre ?
Alexandre Anikine : Sans hésitation, les années 70. Pour voir Jimi Hendrix. Et parce qu’à l’époque, j’ai l’impression qu’il y avait plus d’ouverture au niveau des possibilités créatives. En même temps, nous avons accès à tellement de nouveaux outils aujourd’hui. Pour être autonome et aller très loin musicalement grâce à toutes les palettes sonores qui existent grâce à la MAO.
Jil Troin-Guis : Je suis très sensible au romantisme du XIXe siècle. La vision des artistes de cette période, ainsi que leurs œuvres, me touchent beaucoup. En parallèle, ils font écho à ma façon de voir la vie. Mélancolie, fascination pour la nature, spiritualité, sublimation du réel. À travers l’image, les textes, c’est comme si j’essayais sans cesse de capter un instant de grâce qui, par essence, est éphémère. Qui s’échappe toujours, inexorablement.
Cela se traduit comment ?
Jil Troin-Guis : Au bord du Rhône, sur l’île. Je me transforme en romantique exaltée par la lumière dans les arbres bousculés par le vent. Par les roseaux qui s’élancent vers le ciel. Par une barque abandonnée qui tangue… Quand on décide de faire attention à tous ces stimuli, on est vite submergés par tant de beauté.
Un premier EP est prévu pour cette année. D’ici sa sortie, vous dévoilerez le 11 juin à 18h votre nouveau single L’île d’or. Il succède à votre plus récent partagé sur les réseaux début mai. Celui-ci s’intitule À l’ombre des grands frênes. Il suggère une obsession, tant dans la composition que dans l’écriture…
Jil Troin-Guis : C’est exactement ça. La chanson est le deuxième songe de notre projet Azajilly. Le frêne incarne le féminin, le lien entre la terre et le ciel. Une renaissance aussi. Le morceau tourne autour d’un souvenir obsessionnel amoureux qui interdit la fuite. Au fur et à mesure, une ouverture se crée. Elle est faite de légèreté. Il s’agit d’une sorte d’acceptation.
Alexandre Anikine : Quant à L’île d’or, le titre évoque le cœur du projet Azajilly avec cet espace hors du temps matérialisé par notre île entre deux eaux. On vous donne rendez-vous mardi prochain dès 18h pour le découvrir !
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